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LE BERRY.


ciennes provinces ennemies. On suppose que cette habitation, dont il ne reste aucun vestige, lut construite non loin des remparts gallo-romains, là où, plus tard, s’éleva le palais des rois de la troisième race, et où fut édifiée, au commencement du xive siècle, la magnifique résidence de Jean duc de Berry. La reine Bertrade séjourna longtemps à Bourges, et Pépin, son époux, y tint une de ces assemblées de la nation franque auxquelles, tous les ans, assistaient les évêques, les ducs, les comtes et les grands bénéficiers. On y discutait les mesures politiques et militaires, les lois futures, les traités ; on y arrêtait encore les plans de la guerre, qui, presque toujours, éclatait à la suite de ces réunions tumultueuses.

Le règne de Charlemagne amena la paix un peu partout, ainsi que la prospérité qui toujours en résulte. Avant de disparaître de la scène du monde, le grand monarque avait compris la nécessité de donner à la seconde Aquitaine une organisation différente de celle qui fonctionnait dans les autres parties de son immense empire, et, à cet effet, il l’érigea en royaume, avec Toulouse pour capitale. C’est alors, aussi, que se forma le royaume de France, lequel subsista, presque sans modification, jusqu’à la fin du moyen âge. Il fut fondé par suite du traité de Verdun conclu, en l’année 843, entre les trois fils de Louis le Débonnaire. Les limites du royaume naissant allaient, à Fest, jusqu’à la Meuse et l’Escaut, et elles ne dépassaient, sur aucun point, la Saône et le Rhône jusqu’à ses embouchures ; à l’ouest, ses limites ne différaient pas beaucoup de celles de la France d’aujourd’hui. Quant à la puissance de son roi, c’est tout différent : elle ne s’exerçait qu’entre la Seine et la Loire, de Paris à Orléans. Ce qui sauva la France des dissensions qui ensanglantèrent l’Angleterre, l’Allemagne et l’Italie, toujours convoitée, ce qui fit son admirable unité, « c’est, dit Michelet, la transmission invariable de la couronne dans la ligne masculine ; elle a donné plus de suite à la politique de nos rois ; elle a balancé utilement la légèreté de notre oublieuse nation. »

À la mort de Charlemagne, ses fils indignes couvrirent ses vastes États de ruines, et le Berry dut passer par toutes les calamités de la guerre civile. Il y eut une succession d’abord lente, puis très rapide, de rois de France. En 840, c’est Charles le Chauve ; en 877, c’est un fils de ce Charles, Louis le Bègue ; en 879, c’est Louis III et Carloman ; en 884, Charles le Gros et Eudes, de la famille capétienne, en 887. De tous ces rois, il n’y en a qu’un intéressant le Berry, car il en fut le fléau. Louis le Bègue ayant à y venger la mort de l’un de ses comtes assassinés, il s’y précipita en fou furieux, en opprima les habitans, démolit sanctuaires et églises, et abandonna Bourges aux horreurs de la famine.