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intérêts moraux et matériels du pays, qui étaient récemment et sont encore devant le parlement, c’est ici que le gouvernement pourrait avoir un rôle utile et efficace. Le ministère qui a eu la bonne fortune de préparer la visite de Cronstadt et les manœuvres de l’Est sait bien lui-même que, pour l’honneur de cette politique, il aurait mieux à faire que d’avoir à se débattre avec des agitations sans issue. Ce n’est pas toujours facile, il est vrai, d’écarter des interpellations inutilement irritantes, de contenir un mouvement comme ce mouvement protectionniste qui emporte nos chambres, de ramener une majorité asservie à ses passions, à ses préjugés ou à des intérêts particuliers. Ce n’est point aisé de faire entendre raison à des assemblées toujours prêtes à échapper par un vote imprévu. C’est pourtant une nécessité si on ne veut pas laisser détruire indirectement et en détail ce qu’on a fait pour relever ou raffermir la position de la France, pour rouvrir à notre politique des perspectives nouvelles. Le malheur du gouvernement est peut-être de ne pas croire lui-même assez à son pouvoir, à son autorité, de laisser se former ou grossir des orages qu’il pourrait souvent prévenir ou dissiper par une initiative plus décidée. Il n’aurait probablement qu’à vouloir. lorsque récemment M. le ministre des affaires étrangères, poussé à bout, a vu le gouvernement tout près d’être désarmé du droit de négocier de nouveaux arrangemens commerciaux, il a résisté et il a réussi : il était dans son devoir, et il a au moins réservé un moyen d’atténuer quelques-unes des conséquences les plus périlleuses des excès de protectionnisme. M. le ministre de l’intérieur sait bien, quand il le veut, déconcerter par son ironie les oppositions importunes. M. le ministre des cultes, s’il est secondé, a la bonne volonté de la modération. M. le président du conseil, avec son expérience et la position qu’il s’est faite, a certainement plus de force qu’il ne croit pour se défendre des pressions abusives. Il ne s’agit nullement de braver des conflits, de méconnaître les libertés parlementaires ; il s’agit plus que jamais, pour le gouvernement, de maintenir son autorité et son droit de direction, de remplir son rôle de modération et de prévoyance dans l’intérêt de la paix commerciale et de la paix religieuse, qui ne sont pas précisément sans avoir couru des dangers depuis quelque temps.

Cette année qui finit laisse assurément plus d’un problème en suspens pour la France ; elle en laisse aussi pour l’Europe et de plus d’un genre. Pour le moment, cependant, tout semble s’effacer devant les questions douanières, devant ces traités de commerce qui lient un certain nombre de pays du continent et qui sont faits pour donner à réfléchir à nos protectionnistes comme au gouvernement français. Ces traités, on le savait, ils se négociaient depuis quelque temps, non gans mystère et sans difficulté peut-être. Ils ont éclaté pour siinsi dire