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chassés de leur pays après la ruine du Temple, en seraient a souche. Il ne s’en faut de guère que ces juifs ne se trouvent petits-fils de David et cousins de la sainte Vierge, comme certain duc espagnol. Établis dans le pays de Galles, ils prennent le nom de Tudor. Un beau gentilhomme de cette famille plaît à Madame Catherine de France, fille d’Isabeau de Bavière et veuve du roi Henry V : de cette fantaisie et de cette mésalliance naît une race qui donne cinq souverains à l’Angleterre. Les Parnell seraient une branche, aînée ou cadette, de la famille.

Comme ils s’étaient compromis, au temps des troubles, en embrassant la cause du parlement, ils se trouvèrent dans une situation gênante quand le roi revint. C’est pourquoi ils allèrent s’établir en Irlande, dans le queen’s county. Là, naquit en 1679 Thomas Parnell, qui fut célèbre par ses vers et par ses liaisons avec les beaux esprits du temps de la reine Anne. Thomas Parnell est l’auteur d’un petit poème intitulé l’Hermite. Que de fois je l’ai relu ! c’est ce qu’on a écrit, au XVIIIe siècle, de plus étrange et de plus profond sur l’irritante et douloureuse énigme de la vie. A la dernière ligne, le chrétien impose silence au pessimiste, mais non pas sans nous avoir laissé savourer l’exquise amertume de son doute qui est allé jusqu’au blasphème.

Ce Thomas Parnell mourut archidiacre de Clogher et sans enfans. Il laissa sa fortune à ses neveux. Alors se succèdent deux ou trois générations de juges, honnêtes gens, aux mains pures et aux cœurs droits. Le dernier, sir John Parnell, joua son rôle dans cet essai de liberté qui signala la fin du siècle. Le peuple lui donna un beau surnom : l’Incorruptible. Chancelier de l’Échiquier dans le parlement Grattan, il combattit jusqu’à la dernière heure l’acte d’Union. Par ce moyen, il perdit sa place et garda son surnom.

Le fils de sir John, Henry Parnell, siégea au parlement anglais, où il fut chargé par O’Connell de la défense des intérêts catholiques. Successivement ministre de la guerre et payeur-général des Forces, il fut créé pair d’Angleterre sous le nom de lord Congleton. Uavait un neveu, John-Henry Parnell, qui, après avoir passé par Cambridge, voyagea à travers le monde et rencontra, en Amérique, une jeune fille dont il devint amoureux. C’était la fille de l’amiral Stewart, qui s’est illustré, en 1815, par des combats extraordinaires, dans la campagne navale contre les Anglais. Stewart était un homme de mer de la vieille race, inaccessible à la fatigue et à la peur. Des muscles d’athlète sous un mince volume ; une force concentrée et disciplinée. Son autorité était terrible, et pourtant on ne l’a jamais vu en colère. Il haïssait les Anglais. Le peuple, qui l’adorait, l’appelait le vieux Côtes de Fer. A quatre-vingt-trois