village d’Oldeborn[1], aussitôt le Mané, thècel, pharès du festin de Balthazar brillait en vers latins sur les ruines fumantes du repaire favori des gueux. Bientôt, il n’y eut qu’un cri dans les campagnes dévastées pour réclamer la protection des vaisseaux du roi. Puisque le duc d’Albe prétendait avoir raffermi d’un bout des Pays-Bas à l’autre l’autorité de Philippe II, c’était bien le moins qu’il songeât enfin à rendre la sécurité aux provinces maritimes et qu’il consacrât à ce soin une partie des ressources arrachées à un peuple appauvri.
Comment s’expliquer qu’Albe ait pu continuer de rester sourd à ces plaintes réitérées, à ces doléances de jour en jour plus vives ? La confiance d’Albe dans la pacification des Pays-Bas était moins complète que son attitude et son langage auraient pu le faire croire. Le prudent gouverneur tenait à garder ses forces et ses fonds pour faire face à un retour offensif, toujours à prévoir, toujours imminent, du prince d’Orange. Le soulèvement des Maures dans le massif des montagnes de Grenade n’était pas encore apaisé : ne pouvait-on craindre que le sultan Sélim ne vînt quelque jour en aide à ces persécutés auxquels, des côtes d’Afrique, les corsaires barbaresques tendaient déjà la main, qu’il n’expédiât enfin sa flotte sur les côtes de l’Andalousie, au lieu de l’employer à refouler les galères de Venise au fond de l’Adriatique ? Ce n’était pas, on en conviendra, pour Philippe II ainsi menacé, le moment d’envoyer ses vaisseaux dans les mers du Nord. « Les Maures, écrivait le prince d’Orange, nous donnent, par la grâce de Dieu, un bon exemple. Si un peuple de rien, un troupeau de brebis, peut entreprendre de lutter contre la puissance du roi d’Espagne, que ne doit-on attendre du courage d’un peuple vaillant et fort, entouré de toutes parts, comme le sont les Néerlandais, de voisins prêts à l’assister ? » L’indifférence affectée par Albe au sujet des ravages dont l’écho ne cessait d’arriver à ses oreilles avait donc probablement pour cause un souci plus grave et plus impérieux encore. L’heure, en tout cas, semblait passée où un léger effort pouvait étouffer la marine naissante qui prêtait déjà un si vigoureux concours à l’insurrection. Albe prit la seule mesure qu’il jugea, dans cette situation critique, à sa portée : il envoya ses pleins pouvoirs à Robles.
Le vaillant stathouder ne perdit pas une minute pour justifier la confiance que le vieux duc de fer mettait en lui. Il fit sur-le-champ appel aux contributions volontaires des habitans qui le pressaient de les protéger. Malheureusement ces mêmes habitans, si empressés à solliciter son appui, ne savaient pas résister aux excitations
- ↑ Oldeboorn-en-Frise, à 20 kilomètres au sud de Leeuwarden.