Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/428

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

II.

Les feuilles du tabac renferment des principes communs à toutes les substances végétales, comme l’amidon, la cellulose, le sucre, des acides organiques et des sels, des principes solubles dans l’éther, des matières azotées et enfin un alcaloïde particulier auquel la plante doit ses propriétés et qui porte le nom de nicotine.

Cet alcaloïde, découvert par Posselt et Remann, a été isolé par Vauquelin en 1809. C’est un liquide oléagineux, transparent, incolore, qui brunit et s’épaissit à l’air, en absorbant de l’oxygène. Son odeur acre et vireuse rappelle celle du tabac ; sa saveur est brûlante et sa vapeur tellement irritante, qu’on respire avec peine dans une pièce où on en a laissé tomber une goutte. La nicotine est très hygrométrique, très soluble dans l’eau, l’alcool et l’éther. Elle se combine directement avec les acides, en développant de la chaleur. On la trouve à l’état de malate dans les feuilles des diverses sortes de tabac.

Toutes les espèces n’en renferment pas la même quantité. Le tabac noir et onctueux des Antilles, que sa saveur prononcée, sa combustibilité et sa belle cendre blanche font rechercher par les fumeurs émérites, en contient beaucoup plus que le tabac blond et parfumé du Levant. Celui qu’on récolte en France, quand il est arrivé à maturité, en contient de 3,22 à 7,96 pour 100, suivant les provenances. Dans certains départemens du Midi, le Lot, par exemple, on récolte parfois des tabacs qui en fournissent jusqu’à 10 pour 100 ; mais c’est une proportion tout à fait exceptionnelle. La quantité de nicotine augmente à mesure que la plante se développe, et varie suivant l’épaisseur des feuilles. Les plus minces sont celles qui en contiennent le moins.

La fermentation qu’on fait subir au tabac dans les manufactures volatilise, comme nous l’avons vu, une partie de la nicotine et lui substitue de l’ammoniaque. Il en résulte que, lorsqu’il est livré à la consommation, il renferme moins de nicotine que n’en contenaient les feuilles sèches, avant toute préparation. La combustion en détruit environ les trois quarts. D’après les analyses de M. Pabst, la fumée de 5 grammes de tabac donne environ 3 milligrammes de nicotine ; mais elle contient en outre une foule d’autres principes dont il est inutile de donner ici l’énumération par trop chimique.

La nicotine est le principe actif du tabac, comme l’atropine est celui de la belladone, la morphine celui de l’opium ; toutefois, parmi les substances qui lui sont unies, il en est aussi de toxiques. Les