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d’où les Athéniens ont extrait beaucoup de plomb et d’argent. Quant à l’or, il y en a des traces dans quelques îles, où les Phéniciens, racontait-on, l’auraient recueilli jadis ; mais ces filons, sans doute, assez pauvres, furent vite épuisés. L’étain, le fer et le cuivre font également défaut. Cette indigence eut peut-être ses avantages. Les tribus qui s’étaient partagé ce territoire ne pouvaient se passer du métal ; il leur en fallait pour le luxe domestique et pour la parure ; on sait, par les fouilles de Mycènes comme par bien d’autres témoignages, combien les peuples encore à demi barbares sont avides d’or ; pour le conquérir, ils ne reculent devant aucun danger. Force était donc de le tirer du dehors, lui et les métaux plus humbles qui ne sont pourtant pas moins nécessaires ; cette obligation ne contribua certainement pas peu à éveiller chez ces sociétés naissantes le goût du négoce et de l’entreprise. Tout d’abord, elle devait les disposer à bien accueillir l’étranger, le marchand phénicien dont les navires venaient leur apporter cette indispensable denrée ; elle les encouragera, plus tard, à aller la chercher en Thrace, en Asie-Mineure, à Cypre, en Syrie, dans les pays où le sol livrait à l’homme ces substances précieuses et sur les marchés que le commerce en approvisionnait. Toute dépendance est un lien ; ce qui importe, c’est que cette dépendance ne se change pas, pour l’un des deux individus ou des deux peuples ainsi rattachés l’un à l’autre, en un étroit vasselage, en une subordination marquée. Ici, ce danger n’était point à redouter. La situation et la configuration de la terre que nous avons décrite étaient faites pour protéger les débuts et favoriser le développement de la nation qui s’y fixerait la première et qui s’y retrancherait comme dans une imprenable forteresse ; c’est à l’histoire de montrer comment ces prévisions se sont réalisées et quelle figure ont faite dans le monde les tribus qui, après avoir porté d’abord divers noms, sous lesquels on les rencontre dans les documens orientaux, dans l’épopée homérique et dans les mythes les plus anciens, ont fini par se réunir sous cette appellation commune d’Hellènes que les Latins, par un de ces caprices de l’usage qu’il est inutile de discuter, ont remplacée par celle de Grecs, désormais établie et consacrée dans les habitudes de toutes nos langues modernes.


GEORGE PERROT.