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Norvège et les Pays-Bas, les nations civilisées ont changé leur orientation économique. L’Allemagne qui, en 1865, par les traités avec la France et avec l’Autriche, était entrée dans la voie libérale et y avait même marché avec enthousiasme, y persista encore, quoique moins résolument, en 1873, époque où elle fit quelques modifications secondaires à son tarif ; puis en 1879, M. de Bismarck, rejetant avec hauteur les idées de ce qu’il appelait les doctrinaires et se séparant de leur chef, M. Delbruck, se rejeta vers le régime protecteur. Depuis lors, le tarif général allemand du 22 mai 1885, puis les deux lois du 24 juin et du 21 décembre 1887 introduisirent de nouvelles majorations dans la tarification allemande.

L’empire germanique, simplement parce que, depuis Sedan, il peut prendre pour devise ego nominor leo, exerce sur beaucoup d’autres États une influence fascinatrice. L’Autriche-Hongrie qui, dans la révision de son tarif en 1879, tenait encore pour une liberté commerciale mitigée, s’en départit par une loi du 25 mai 1882, surtaxant fortement la plupart des articles, puis par une autre loi du 21 mai 1887, laquelle constitua le tarif hongrois jusqu’aux traités qui viennent d’être signés. On sait la ligne de conduite de l’Italie, cette imprudente qui s’est fermé son marché principal et qui, aux charges d’une situation financière difficile, a joint l’embarras de la perte de ses débouchés habituels. Le tarif italien de 1878 était encore un tarif libéral ; celui du 9 août 1883, et surtout celui du 14 juillet 1887 approchent, sur beaucoup de points, de la prohibition. Aujourd’hui, l’Italie est revenue de la mégalomanie industrielle, sinon encore de la mégalomanie politique, et elle aspire à renouer avec ses voisins, notamment avec celui qu’elle dédaignait tant il y a quelques années et qu’elle n’a pu remplacer.

La Suisse, par l’étroitesse de son territoire, l’éloignement de la mer, l’ingéniosité de ses habitans, a plus que toute autre nation continentale intérêt au maintien de la liberté commerciale. Elle l’a compris longtemps : les remaniemens qu’elle a apportés à son tarif en 1882, 1884 et 1887eurent surtout un caractère fiscal ; mais, depuis lors, elle a cédé à la séduction du protectionnisme et élaboré un tarif contenant un grand nombre de relèvemens de taxes. La Suède aussi s’est mise à dévier de la liberté commerciale : une loi du 1er juillet 1888 y établit des droits sur les céréales, jusque-là admises en franchise ; puis des surtaxes sur un bon nombre d’objets alimentaires ou fabriqués, et en 1889, on renchérit encore. La Norvège, au contraire, pays de navigation, de pêche et d’exportation de bois, résista à la manie générale. La petite Belgique ne s’y abandonna pas, elle y céda toutefois un peu par la loi du 8 juin 1887, qui taxa les animaux sur pied et les viandes fraîches