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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 janvier.

Voilà, dirait-on, une année qui ne commence pas trop bien et qui pourrait ne pas promettre au monde une vie facile ! Si la fortune semblait de nouveau sourire à la France il y a quelque six mois, si on avait retrouvé la confiance et même des illusions avec le sentiment d’une position reconquise parmi les nations, si on était sous le charme des succès extérieurs et de la paix intérieure, ces jours heureux de l’été sont déjà loin. On est revenu rapidement avec l’hiver à une réalité ingrate et assez maussade. Ce n’est pas que dans le fond l’état général des choses soit sensiblement changé, qu’il y ait rien d’irréparablement compromis : non sans doute il n’y a rien de perdu, et il n’y a non plus rien de gagné. Ce ne sont partout pour ce début d’une année nouvelle, en France comme en Europe, ce ne sont que difficultés et obscurités, mauvaises apparences, menaces de conflits commerciaux, vieilles querelles renaissantes, épidémies et deuils jusque sur les marches des trônes. Bref, on s’aperçoit que les beaux jours sont passés, qu’on est un peu moins avancé qu’il y a six mois, qu’on est rentré dans le tourbillon où les passions, les intérêts, les préjugés, les ambitions se heurtent, que les momens difficiles pourraient bien revenir. On sent que l’esprit d’ordre et de paix n’est pas près d’avoir le dernier mot dans les affaires du monde, — et à tout cela se mêlent même parfois des incidens qui ouvrent des jours singuliers sur les mœurs et les idées du temps, sur cette vie publique où ceux qui ont la prétention de nous gouverner fie savent pas toujours se gouverner eux-mêmes.

Les mœurs changent, dit-on, comme les lois. Il y paraît bien ! Les mœurs changent dans la politique comme dans la société, si l’on veut, elles changent de toute façon ; elles n’ont certes pas l’air de s’améliorer ou de se relever, à en juger par ce qui se passe de temps à autre dans notre vie parlementaire, telle qu’elle apparaît avec ses incohérences et ses violences. Ce n’est rien d’édifiant et de rassurant pour le