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Xaintrailles, nommé bailli du Berry et capitaine de la Grosse-Tour de Bourges en 1437.

Aussitôt après la prise d’Orléans, on trouve Jeanne d’Arc à Gien, avec le roi, d’où tous les deux partirent pour la cérémonie du sacre. Puis, retour à Bourges, que la Pucelle quitte encore pour aller assiéger Pierre le Moutier et La Charité. L’argent ayant manqué au cours de l’expédition, les bourgeois de Bourges s’imposèrent pour une somme de 1,300 écus d’or ; ils les donnèrent en disant « qu’il serait grand dommage pour leur ville et le pays du Berry, si un tel siège était levé pour défaut de paiement de ladite somme. » Malgré ce don patriotique, Jeanne et le sire d’Albret perdirent leur artillerie devant La Charité, qui ne devait retourner à la couronne qu’après la paix signée avec le dauphin, et à la suite du traité passé dans une jolie petite ville des environs de Vichy, Cusset, bien déchue aujourd’hui de son beau renom d’autrefois.

Jeanne est encore à Bourges le 20 décembre 1429 ; elle y reçoit des mains du roi ses lettres de noblesse. On la voyait continuellement aller de cette ville à Mehun, où il était plus commode à Charles VII de voir Agnès Sorel. La reine, qu’il n’avait pas voulu conduire à Reims aux fêtes du sacre, restait tristement délaissée dans son palais de Bourges. Quant à Jeanne, elle vivait dans la maison d’une dame Le Touroulde, veuve d’un receveur-général des finances. Une foule enthousiaste l’entourait dès qu’elle apparaissait sur le seuil du logis ; les femmes la suppliaient de bénir et de toucher des chapelets. « Touchez-les et bénissez-les vous-mêmes, répondait-elle gaiment, ils seront aussi bons. » On la mit en rapport avec une femme hallucinée ; après deux essais infructueux d’hypnotisme auxquels la jeune guerrière s’était prêtée par bonté, elle chassa la visionnaire en lui conseillant de ne s’occuper que de son métier et de sa maison. Ce fut enfin du Berry qu’elle partit pour la fatale campagne qui la fit traîtreusement tomber au pouvoir des Anglais et monter sur le bûcher le 30 mai 1431. Longtemps après cette date douloureuse, le clergé et les bourgeois de Bourges se rendirent à chaque anniversaire de la mort de Jeanne, en procession solennelle, de la cathédrale à l’église des Frères-Prêcheurs. M. Raynal suppose que la vierge de Vaucouleurs avait eu pour cette église une dévotion particulière.

Après Jeanne, Jacques Cœur, et la confiscation de la fortune et des biens de celui qui, tant de fois, avait fourni le nerf de la guerre à son roi.

« A vaillans cœurs, rien impossible, » telle était, comme on sait, la devise de cet homme de grand sens, dont la fortune, lentement acquise par le travail, fut toujours mise au service du