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qu’ils eurent un blason, en continuant à s’enrichir et à enrichir leur pays par l’industrie.

La peste, qui tant de fois déjà avait couvert le Berry d’un voile de deuil, ajouta ses tristesses aux terribles supplices ordonnés par Louis XI. Je devrais, au dire de plusieurs historiens, répéter que ce roi aimait sa ville natale. Pourquoi, alors, tant de gens pendus au seuil de leurs portes, la confiscation des franchises communales au détriment des citoyens de Bourges ?

Lorsqu’il mourut, en 1483, il y eut dans toutes les provinces de France comme l’allégement d’un fardeau. Ce fut à sa fille aînée, Anne de France, dame de Beaujeu, dont le père disait qu’elle était « la moins folle femme du monde, car de femme sage il n’y en a point, » que fut confiée la tutelle du futur Charles VIII ; elle ramena à la royauté l’affection de tout un peuple, le rétablissement des franchises telles qu’elles étaient avant la suppression qu’en avait faite Louis XI, ayant été l’un de ses premiers actes. Ici se place un grand événement : la convocation en 1484 des États-généraux de Tours. Les trois ordres du Berry y furent représentés. Leurs tendances, toutefois, parurent si dangereuses à la royauté, que leur dissolution fut vite prononcée ; ils n’en restèrent pas moins comme un précédent de respectueuse, mais libre discussion devant la couronne, un droit qui, plus tard, très tard, si l’on veut, n’en devait pas moins aboutir au plus grand mouvement révolutionnaire connu. Le Berry renaissait donc, grâce à quelques années de paix, à la restitution de ses chères franchises, à la création de foires attirant à Bourges une grande affluence d’étrangers, à l’éclat que jetait au loin une université que Cujas devait illustrer. Un incendie terrible vint mettre toute cette prospérité en question. La malheureuse cité de Bourges fut tellement frappée, qu’une partie de ses manufacturiers l’abandonnèrent pour toujours ; ses foires furent supprimées faute de trafic intérieur ; elles furent données à la ville de Lyon.

Louis d’Orléans, qui fut depuis Louis XII, avait épousé, en 1476, Jeanne de France, douce et timide créature, mais laide et contrefaite. Elle est restée célèbre en Berry, où ceux qui ont la religion des aimables souvenirs l’appellent toujours la bonne duchesse. Aussitôt couronné, son mari se hâta de la répudier pour épouser Anne de Bretagne, la veuve de Charles VIII, son cousin, et rattacher ainsi la Bretagne à la couronne. Jeanne, qui n’avait été répudiée que grâce à la duplicité du pape Alexandre Borgia, se retira dans Bourges, où elle fonda le couvent de l’Annonciade. Elle y reçut souvent la visite d’une princesse non moins infortunée qu’elle, Charlotte d’Albret, dont la vie, d’une grande simplicité, mérite à divers titres d’être remise en mémoire. Le plus puissant de ces titres serait