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UN
SEJOUR A ATHENES

Le royaume de Grèce se compose d’une petite ville et d’un assez grand nombre de villages. Mais cette petite ville possède un trésor pour lequel beaucoup de personnes donneraient toutes les bâtisses des capitales de l’Occident : l’Acropole. Et ces villages sont habités par une race ingénieuse et patiente, qui a vaincu, par sa ténacité, les plus violentes tempêtes, qui est sortie, plus allègre que jamais, d’un naufrage de plusieurs siècles, qui est encore endolorie par les dures années de servage et de misère, mais qui possède les deux qualités par où les nations malheureuses réussissent à lasser la mauvaise fortune : le don de se souvenir quand même, et la capacité d’espérer malgré tout.

Il ne faut point juger ce peuple sur l’apparence. On risquerait d’énoncer sur son compte quelqu’une de ces appréciations partiales et irritées, dont sont coutumiers les voyageurs pressés qui voient l’Attique entre l’arrivée et le départ du paquebot. Toutes les fois que la question d’Orient se complique, si l’armée grecque fait mine de marcher vers la frontière de Macédoine, si les chrétiens de Crète essaient d’apitoyer les puissances sur leur sort, il se trouve régulièrement un touriste pour adresser aux journaux d’Occident une dissertation de politique, où il y a des considérations générales et des phrases solennelles, mais surtout un peu de haine contre un douanier brutal, beaucoup de rancune contre un hôtelier perfide, un ressentiment mal déguisé contre les cochers narquois auxquels on est obligé de recourir si l’on veut déjeuner dans le bois sacré de Colone ou dîner sur les marbres d’Éleusis. Il faut