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instant il usa de ses relations politiques pour défendre leurs intérêts auprès du pouvoir central. Plus tard, lorsqu’il lui fallut se retirer devant la conquête franque, il ne cessa, du fond de l’île de Chio, où il avait cherché un asile et où il mourut vers 1220, d’entretenir avec eux une correspondance assidue. Bien plus, une fois il brava toutes sortes de dangers pour revenir en secret dans son ancien diocèse.

On est heureux de voir planer sur Athènes cette belle et noble figure, et on ne saurait trop vivement féliciter l’historien allemand de l’avoir mise en lumière avec tant de sagacité et d’amour.


III

Quelles que fussent, au point de vue de la culture intellectuelle, les différences entre Athéniens et Byzantins, du moins les uns et les autres parlaient la même langue et pouvaient évoquer des souvenirs communs. Mais qu’attendre de cette chevalerie bardée de fer, ne connaissant que le culte de la force ou la loi féodale, qui s’abattit sur la Grèce après la chute de la dynastie des Anges et le démembrement de l’empire d’Orient ? — Deux siècles et demi durant, jusqu’à la conquête turque, des aventuriers français, aragonais et italiens foulèrent aux pieds ce sol sacré. Peut-être si les Grecs du XIIIe siècle avaient conservé un fonds de culture plus considérable, eussent-ils pu les assimiler à la longue, de même que leurs ancêtres avaient jadis conquis leurs vainqueurs les Romains. Mais dégénérés comme ils l’étaient, ils furent exploités et rançonnés sans pitié par ces farouches conquérans. Aussi cette aventure qui s’appelle l’établissement de l’empire latin d’Orient n’aboutit-elle qu’à une déchéance plus profonde encore pour la malheureuse Grèce et la malheureuse Athènes.

Est-ce à dire que les édifices splendides qui restaient debout n’aient pas frappé l’imagination d’Othon de La Roche, qui fonda, en 1205, le duché d’Athènes, et celle de ses compagnons ? Leurs dimensions, non moins que l’originalité de leur structure, mirent en œuvre toutes les ressources de la fantaisie du moyen âge, et bientôt, celle-ci se greffant sur le folk-lore grec et byzantin, chaque ruine eut sa légende, une légende bizarre, où la superstition la plus grossière s’alliait à un enthousiasme naïf. A cet égard, Athènes n’eut rien à envier à Rome : la légende de Phidias et de Praxitèle vint former le pendant de celle du sorcier Virgile. M. Sathas, l’historien de la littérature grecque au moyen âge, a montré par des exemples frappans comment une foule de ces mythes helléniques, oubliés par le peuple qui les avait créés, se conservèrent dans des langues étrangères ; comment d’autres, ayant