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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 110.djvu/447

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histoire d’un cabinet minéralogique.

Versailles, l’idée de la grande galerie de l’histoire de France, où sont peintes les batailles célèbres de notre pays.

En entrant par la galerie « des Conquêtes » dans ce cabinet de physique, qui était à l’un des angles du château, on trouvait à gauche et en face des fenêtres qui éclairaient la pièce, des séries d’armoires ou vitrines murales renfermant des instrumens de physique.

Entre les croisées, il y avait d’autres vitrines et, dans le fond, au milieu du panneau, on voyait le fameux meuble minéralogique, ayant, devant lui, au centre, divers objets de dimension assez grande tels qu’un planétaire, des télescopes, une balance romaine, etc.

Par un passage étroit, dont les murs étaient entièrement couverts de panoplies, d’armes et de vêtemens de sauvages[1], on pénétrait dans trois autres pièces consacrées au cabinet d’histoire naturelle proprement dit. Elles étaient, comme la première, garnies tout autour d’armoires et de gradins au centre. Dans les armoires se trouvaient des bocaux, des oiseaux et des animaux empaillés, et sur les gradins, des coquillages et d’autres objets qui n’avaient rien à redouter des injures de l’air ni de la poussière. Au plafond et au-dessus des portes étaient accrochés des crocodiles empaillés, des lézards, des cornes de cerfs et de rennes, des fanons de baleines, des noix de coco et d’autres objets analogues, qui aujourd’hui nous paraîtraient d’une ornementation un peu bizarre[2].

Dès les premiers mouvemens de la Révolution, les Condé émigrèrent, laissant leurs collections intactes dans leurs diverses demeures et, au mois de juin 1792, les scellés étaient mis au château de Chantilly où tout était demeuré tel quel. Mais, au lendemain du 10 août, comme la destruction des emblèmes de la féodalité et des effigies des conspirateurs avait été décidée, un bataillon de la garde nationale parisienne, celui des Récollets, après avoir touché un certain nombre de cartouches, se mit en campagne, traînant à sa suite trois pièces de canon avec leurs caissons, sous le commandement du chef de bataillon Douay et d’officiers municipaux revêtus de leurs insignes. Ils se dirigèrent d’abord sur Ecouen,

  1. Ces pièces, transportées pendant la Révolution au musée du Louvre, furent rendues au prince de Condé en 1816. Elles sont aujourd’hui, en partie, montées en panoplies dans la salle à manger du château, de chaque côté de la porte d’entrée. Archives nationales, F17 10934.
  2. Extrait des inventaires dressés les 13-14 et 15 juin 1792 par les commissaires chargés d’apposer les scellés, et le 18 mai 1793 par Lamarck, Bernardin de Saint-Pierre et Valentiennes. (Archives nationales F° 1131.)