Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 110.djvu/612

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traditions et les œuvres généreuses de son beau-père le prince don Alexandre[1], nous avait appelés, au commencement de 1889, à pratiquer des fouilles dans la nécropole étrusque qui dépend de son domaine de Musignano, à quelque distance de Rome. M. Gsell n’oubliera pas cette saison d’hiver et ce sévère séjour. Le lieu est pittoresque. Une seule habitation au milieu de la plaine déserte, celle où demeure le fermier avec sa famille. Le vaste espace occupé par les sépultures souterraines est coupé par un torrent, la Fiora, aux bords escarpés, réunis seulement par un fragment d’ancien aqueduc, fortifié au moyen âge sur l’une des rives. L’aqueduc transportait des eaux, peut-être minérales, vers la ville qui s’élevait de ce côté. Les pierres se sont peu à peu disjointes ; l’eau s’est échappée goutte à goutte ; elle a formé des stalactites qui ont fini par s’étendre jusqu’au sol, transformé lentement en marécage. C’est l’exemple de ce qui a dû arriver pour plusieurs des anciens aqueducs ; c’est l’un des accidens qui auront enfanté la malaria, le désert, et la longue décadence de la campagne romaine. Quant à la nécropole, on sait combien de richesses elle a déjà données. Au commencement du siècle, Lucien Bonaparte, prince de Canino, en a tiré une série considérable de beaux vases qui peuplent maintenant les principaux musées d’Europe. C’est là qu’il y a trente ans François et Desvergers ont découvert ces curieuses peintures, aujourd’hui conservées au musée Torlonia à Rome, qui représentent, avec les noms des personnages, des scènes où figurent Mastarna, le Servius Tullius des Romains, et ses compagnons d’aventure. C’est là que se dresse encore aujourd’hui ce tertre de la Cuccumella qui, gardé jadis par des statues d’animaux étranges, transportées maintenant à Musignano, n’a peut-être pas encore, malgré tant de recherches, livré son dernier secret.

Ce que la science attend désormais de fouilles sérieuses pratiquées en Étrurie, ce ne sont plus seulement les heureuses trouvailles de vases peints et de bijoux d’or bien travaillés ; c’est encore et surtout un solide ensemble d’observations de détail sur tout ce que contiennent et décèlent ces sépultures souterraines, notamment sur ces mobiliers funéraires, vases de toutes dimensions et de toutes formes, ustensiles, instrumens, objets de toilette, que presque chaque tombe a conservés en grande abondance, et qui se montrent plus ou moins confortables et riches selon les conditions de fortune des personnages ensevelis. La nécropole de Vulci a été fort dépouillée, peut-être dès l’antiquité même,

  1. Voir dans la Revue du 15 octobre 1877, notre étude sur la grande opération du Dessèchement du lac Fucin.