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âme ; je vous baise un million de fois. C’est le 28e de mais, de Chastellerault. »

Malgré la remarquable activité déployée par l’ambitieux gouverneur de Bourges, le soin avec lequel il augmenta les garnisons des villes confiées à sa garde, il fallut bien, après l’assassinat d’Henri III, que la province du Berry se préparât, comme le reste de la France, à se soumettre au roi de Navarre. Le visage souriant, celui-ci se présenta le 25 juillet 1593, devant le porche de l’église de Saint-Denis.

« — Qui êtes-vous ? lui demanda Renaud de Beaume, l’archevêque de Bourges.

« — Je suis le roi.

« — Que demandez-vous ?

« — Je demande à être reçu au giron de l’église catholique, apostolique et romaine.

« — Le voulez-vous sincèrement ?

« — Oui, je le veux, et je le désire. »

Paris, qui valait plus d’une messe, ne lui ouvrit cependant ses portes que le 22 mars 1594. Bourges en fit autant. Son puissant gouverneur obtint, en échange de la soumission qu’il prétendait avoir obtenue de ses administrés, un édit de pacification pour le Berry et l’Orléanais. Dans le ressort et bailliage de ces deux provinces, l’exercice de la religion réformée était désormais permis, pourvu qu’il fût célébré dans les locaux précédemment autorisés ; toutes les propriétés du clergé, propriétés usurpées durant la guerre, devaient être restituées. Le souvenir des guerres passées était tenu de s’effacer des esprits « comme l’ombre d’un nuage sur le sol ; » personne ne pouvant être inquiété ni recherché à ce sujet. Les habitans de Bourges furent exemptés pendant trois ans d’emprunts et subventions, et remise fut faite aux bourgs, villes et plat pays de tout ce qu’ils pouvaient devoir sur les tailles, jusqu’au mois de décembre 1593. Les anciens privilèges et les concessions octroyées par les rois de France étaient confirmés, mais il ne devait être toléré aucune recherche au sujet des exécutions capitales faites pendant les troubles par autorité de justice et commandement du gouverneur. C’était fort heureux pour M. de La Châtre, dont la quiétude pouvait être troublée. Enfin, le roi n’exceptait de l’amnistie que les actes de brigandage et les complices de l’assassinat d’Henri III. Quant au seigneur de La Châtre, sa part fut scandaleuse pour un révolté. Il conserva sa charge, aux appointemens de deux mille écus, et en outre, les profits et émolumens, et la survivance de sa charge à son fils. Le titre de maréchal de France lui fut conservé, et la somme énorme de