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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 110.djvu/667

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se feront à ladite ville à discrétion, même se pourront consommer par procureurs, sans procuration… — Ladite ville servira de passage aux paquets qui seront portez de Genève à La Rochelle pour la tranquillité de la France… — Et pour mémoire éternelle de l’heureuse édification de ladite ville, sera gravée sur le front d’icelle cette honorable inscription :


Par l’audace d’un Écossais
Poussé d’un insolent mérite,
Cette ville a été construite
Du sang le plus pur des Français.


A coup sûr, l’inscription manquait d’esprit, et si j’ai reproduit ce triste libelle, c’est pour montrer à quel degré d’intolérance on en était sous Henri IV.


XII. — LES CONDÉ EN BERRY, LE CLERGÉ RÉGULIER AU XVIIIe SIÈCLE.

La minorité de Louis XIII, avec Marie de Médicis pour régente, devait susciter chez quelques nobles du Berry de nouvelles révoltes, révoltes finissant toujours au profit de la royauté. Quant au peuple, il se hâta de prêter serment au nouveau roi entre les mains du baron de La Châtre, — l’homme au bon billet de la tendre Ninon de Lenclos. Le baron était fils du maréchal, lequel ne termina sa puissante carrière qu’en 1614. En lui, le Berry perdit un maître actif, la noblesse du pays son représentant le plus en vue, et les calvinistes leur plus ardent ennemi. Dès le règne de Charles IX, il les avait combattus, et c’est à peine si au moment de sa mort, à soixante-dix-huit ans, il avait désarmé. On lui fit des funérailles superbes, telles qu’on en vit rarement dans aucune des provinces de France. Elles méritent d’être connues, ne serait-ce que pour assister au défilé de tout ce qu’une ville comme Bourges contenait alors de notabilités.

« Le samedi 21 février 1614, rapporte l’historien du Berry, M. de La Thaumassière, le corps fut amené du château de la Maisonfort à l’église paroissiale de Genouilly dans un grand chariot traîné par quatre chevaux, et couvert d’un drap noir sur lequel se dessinait une grande croix blanche, avec les armes de la maison de La Châtre : elles étaient de gueules à la croix ancrée de vair ; mais, depuis le mariage de Gabriel de La Châtre, seigneur de Nançay et chambellan de Louis XII, avec Marie de Saint-Amadouz, on les écartelait de gueules à trois têtes de loup arrachées d’argent. L’aumônier du maréchal, ses chapelains, sa maison, et environ deux cents gentilshommes du voisinage, accompagnaient le char funèbre. Le lendemain, tout le cortège se rendit à Bourges. Il fut reçu par l’abbé et les