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charité, de parlemens sans tolérance, de scandaleuses et royales amours, de la confiscation des droits de cités, de misères qui furent si longtemps accumulées sur un pays dont la fertilité promettait à ses habitans l’âge d’or des poètes. Ce qui frappe dans l’histoire du Berry, c’est l’extrême lenteur avec laquelle les progrès de toute sorte s’y infiltrèrent, puisque c’est par un sentiment inéluctable de liberté qu’ils finirent par triompher.

Du passé qui s’est déroulé devant nous depuis la conquête des Gaules jusqu’à Louis XVI, il est peu de choses qu’il faille regretter. Aussi j’espère ne pas être accusé de vouloir modifier en quoi que ce soit l’admirable unité de la France, en demandant que Paris n’en soit pas la seule expression et qu’il laisse aux départemens une certaine indépendance vis-à-vis du pouvoir central.

Lorsque, en 1871, l’assemblée nationale dut chercher un refuge à Bordeaux, dans une de ces provinces si cavalièrement mises de côté quand il plaît à Paris de s’insurger, le premier soin de l’assemblée lut de nommer une commission de décentralisation. Quoi de plus significatif que cette indépendance à l’égard de la capitale quand il fallait bien reconnaître que Paris ne représentait plus toute la France ?

M. Waddington, rapporteur de la commission décentralisatrice, demandait bien que les fonctions des conseils-généraux ne fussent pas modifiées, mais il réclamait la création d’une délégation permanente de ces conseils, délégation munie d’attributions identiques à celles des délégations permanentes des conseils provinciaux, telles qu’elles existent dans presque toutes les nations européennes. Quelles devaient être les attributions de ces délégations permanentes ? Elles devaient régler les affaires qui lui seraient envoyées par le conseil-général, et, après avoir entendu l’avis du préfet, répartir les subventions diverses portées au budget départemental ; elles devaient passer les contrats au nom du département, et enfin charger un ou plusieurs de ses membres de missions relatives à des objets compris dans ses attributions. Tous les agens payés sur les fonds de l’État dépendaient du préfet, mais les agens payés sur les fonds du département devaient dépendre du conseil-général et être nommés par ce conseil ; ces nominations étaient loin d’être excessives, car elles comprenaient simplement le service vicinal, les bourses départementales, le personnel de l’École normale et des asiles des aliénés, plus l’architecte et l’archiviste. Ce qu’il y avait de plus important, — et c’était là en quelque sorte l’unité de toute la loi, — les délégations permanentes devaient recevoir des préfets la tutelle des communes, des hospices et des établissemens de bienfaisance.

Le projet, qui ne convenait pas à M. Thiers, fut repoussé, et nous