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portions exceptionnelles. Mais quand plus tard on remonta les fleuves et qu’on pénétra dans la région des plateaux et des montagnes ; quand, au lendemain de l’annexion, les officiers et les ingénieurs se mirent à dresser l’inventaire de la Haute-Birmanie, on s’aperçut qu’il fallait rabattre un peu de ces opinions si flatteuses. Toutefois, même mieux connue, la Birmanie, n’occupât-elle point entre l’Inde et la Chine sa situation doublement précieuse pour les Anglais, demeurait encore une acquisition très appréciable.

Ses richesses naturelles peuvent être divisées en trois groupes : produits agricoles, forêts, mines.

Nous allons les décrire en peu de mots. Cette description sera, nous nous en rendons compte, bien aride. Il faut que le lecteur nous excuse et nous fasse, pour quelques instans, crédit d’un peu d’ennui.

L’agriculture de la Haute-Birmanie ne peut guère se comparer à celle de la Birmanie inférieure. Leurs produits sont très différens et les font réciproquement tributaires l’une de l’autre. La Basse-Birmanie cultive surtout le riz ; elle en nourrit ses quatre millions d’habitans et vend ce qu’elle a de trop à la Haute-Birmanie et à l’étranger : un million de tonnes à celui-ci, une centaine de mille à celle-là[1]. Parfois il lui arrive de servir l’étranger avant la province sœur : si la récolte a peu donné ou l’exportation trop demandé, la province sœur est exposée au jeûne et même à la famine. Cela est arrivé et arrivera encore : mais les grands marchands de riz de Rangoon ne s’inquiètent pas de si peu. Outre le riz, la Basse-Birmanie a encore et la statistique de l’exportation mentionne quelques articles moins abondans et de plus de valeur. Mais ces articles, quoique embarqués à Rangoon ou à Maulmein, viennent en grande partie du haut pays. La Haute-Birmanie, en effet, à la différence de la Birmanie inférieure, produit surtout le superflu. Elle n’a pas assez de riz, pas assez de pommes de terre, pas assez de bétail pour sa consommation, et ni ses chèvres ni ses poneys ne rachètent cette indigence. En revanche, elle a des produits spéciaux, qui feront sa richesse, quand le temps aura amené entre les deux provinces une répartition convenable des colons et des capitaux et une sélection rationnelle des cultures. C’est là que semble être l’avenir de cette province. On renouvellera en Birmanie l’expérience qui a si bien réussi dans l’Inde et à Ceylan : la Basse-Birmanie continuera à cultiver le riz, comme elle fait aujourd’hui ; la Birmanie supérieure fournira les produits de luxe : le

  1. En 1889, l’exportation du riz à l’étranger, y compris l’Inde anglaise, s’est élevée à 918,369 tonnes, d’une valeur de 65,550,000 roupies.