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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 110.djvu/917

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Au surplus, le gouvernement de l’Inde n’a pas cru devoir adopter le tracé de MM. Colquhoun et Holt-Hallett : il s’est rabattu sur une route terrestre qui existe et est depuis longtemps fréquentée, et il a mis à l’étude une voie ferrée qui emprunterait uniquement le territoire birman et utiliserait sur une partie de son tracé des voies déjà construites.

La route est celle qui va de Bhamo à Tali-Fu. On l’appelle « route des ambassadeurs, » parce que c’est par là que passaient les ambassadeurs birmans pour aller en Chine payer le tribut ; elle a été longtemps aussi la route du commerce. Elle ne l’était plus depuis quelques années : le commerce languissait, et les marchands, moins nombreux et moins forts, régulièrement dévalisés par une tribu de pillards qu’on appelle Kachyens, préféraient s’abstenir. Les Anglais s’émurent de cet état de choses et recoururent à un moyen qui leur avait déjà réussi. Ces Kachyens sont, en effet, coutumiers de ce genre d’entreprises. Commerçans qui voyagent, paysans qui cultivent, tout leur est matière à profit. Ils avaient, nous l’avons vu, pris, depuis le début des difficultés, l’habitude de razzier les paisibles habitans des vallées situées au pied de leurs montagnes, et le gouvernement anglais n’avait ramené la paix et la sécurité dans cette région qu’en envoyant le capitaine Raikes négocier avec leurs chefs. C’est ce qu’ils firent une seconde fois pour rouvrir aux commerçans la route du Yunnan. Au début de 1890, les chefs kachyens, depuis longtemps travaillés, s’engagèrent à ne plus pressurer les commerçans, à leur laisser la route libre et même à la maintenir en bon état. En échange, le gouvernement anglais lèvera sur les marchands une contribution déterminée et en répartira chaque année le montant entre les chefs associés. Grâce à ce contrat singulier, qui est bien dans les mœurs du pays, la route est de nouveau ouverte au commerce et les relations d’affaires rétablies entre la Chine et la Birmanie.

Mais c’est là, on le conçoit, un moyen de communication assez primitif et qui ne peut guère donner aux affaires une forte impulsion. Aussi le gouvernement songe-t-il, pour un avenir plus ou moins éloigné, à une ligne de chemin de fer. Cette ligne, qui n’est, d’ailleurs, pas nouvelle et que M. Colquhoun lui-même discutait et combattait dès 1884, partirait de Mandalay, se dirigerait sur Thebaw (97° 20’ long., 22° 20’ lat.), et, de là, remontant la vallée du Myitnge, arriverait à Theinnee (98° long, et 23° 20’) et atteindrait la Salouen à Kunlon-Ferry (23° 40’). La Salouen constitue une limite au-delà de laquelle, pour beaucoup de raisons, le gouvernement anglais ne veut pas encore aventurer ses capitaux. Provisoirement donc, la ligne s’arrêterait à ce point. Le jour où l’on pourrait pénétrer en Chine, on franchirait la Salouen, on remonterait