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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 110.djvu/928

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PENSEES D'HISTOIRE
DANS ROME

Je m’étais proposé d’étudier cette fois des travaux d’histoire sur la fin du monde antique. Je dois remettre à un autre temps le soin d’en parler comme ils le méritent. Ayant rencontré dans mes auteurs de grandes difficultés, je suis venu à Rome pour m’ouvrir l’entendement. J’avais apporté les ouvrages, objet de mon étude. Je les ai peu lus : j’ai regardé Rome en pensant aux points d’histoire sur lesquels je voulais m’éclairer. Les personnes qui ont pris une forte instruction dans les livres vont me marquer un juste mépris ; mais je crois que nous restons toujours enfans par un côté, que nous apprenons lentement et mal sur les textes, vite et mieux par les images, quand elles sont belles et bien faites. Une ville ancienne est l’image la plus exacte de la vie humaine qu’elle a contenue, le traité d’histoire le plus digne de foi. L’homme ment dans ses paroles, il ment dans ses écrits, il ment dans ses actions ; il n’est parfaitement sincère, à son insu, qu’en bâtissant sa demeure pour ses vrais besoins. C’est le moule où l’animal s’incruste avec tous ses reliefs. Et le temps, qui retravaille l’œuvre de l’homme, corrige vite ce qui a pu s’y introduire d’inexact et de superflu ; le temps ne laisse dans cette œuvre que l’essentiel.

Par une disposition admirable, l’essentiel devient le beau, sans doute parce qu’il est le vrai. Une ville actuelle, une ville qui s’élève, paraît laide et vulgaire tant qu’elle est dans la période d’utilité. Dès qu’elle cesse d’être utile, dès qu’elle meurt, la beauté naît et croît sur l’abandonnée, comme la giroflée des ruines ; ainsi elle monte sur le visage d’un mort, banal quand il était affairé de la vie. Dans une ville de l’antiquité ou du moyen âge, d’Italie,