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propose de coloniser la région du Zambèze, il prétendit à son tour construire la voie ferrée ; toutefois, il dut montrer patte blanche à ses amis de Cape-Town, accepter nettement les termes de leur programme politique, et ce programme, comme on sait, réduit à un minimum la part d’influence de la métropole dans les affaires sud-africaines. Par un arrangement assez curieux, ce fut le gouvernement du Cap qui devint le banquier de M. Rhodes en lui avançant des fonds pour le chemin de fer et en recevant hypothèque sur la voie, le matériel et 1,500,000 hectares concédés par l’empire. En d’autres termes, il acquérait d’avance la ligne et le pays. Enfin, M. Rhodes est devenu premier ministre du Cap et se trouve maintenant avoir traité avec lui-même. Il s’est prêté de l’argent. Tout cela peut paraître subtil : en somme, on voit que le Transkalaharien n’appartiendra pas à l’Angleterre, mais au Cap autonome et peut-être à de futurs États-Unis.

Pour l’instant, il n’y a de terminé qu’un tronçon de 150 kilomètres, entre Kimberley et Vryburg. On va commencer une deuxième section de même longueur jusqu’à Mafeking. Ceux qui prévoient le jour où des locomotives anglaises circuleront entre Cape-Town et Le Caire ont la vue bien longue, car il faudra encore beaucoup de temps pour que les locomotives afrikandériennes, — et ce n’est pas tout à fait la même chose, — paraissent sur les bords du Zambèze. Maintes situations, peut-être, auront changé alors. Et maintenant, pour nous résumer, le progrès matériel dans ces pays consiste jusqu’ici à ouvrir des voies de pénétration, à préparer l’avenir. Il faudra ensuite régler la question du travail et en finir avec le système des réserves d’indigènes, car ce sera le seul moyen de développer l’agriculture. Des chemins de fer, voilà l’essentiel aujourd’hui. On le sent : toute l’activité se concentre là-dessus. Si le progrès moral dépend pour beaucoup de la disparition des particularismes, de l’apaisement des haines de race, de l’union des cœurs et des esprits, c’est aussi une manière de le hâter en rapprochant les hommes.


VII. — LA QUESTION DU LANGAGE.

Dans les colonies foncièrement anglaises, comme celles d’Australie, on put introduire le gouvernement responsable en se disant que le jour de la séparation devait venir et que, néanmoins, il y aurait toujours là un prolongement de la vieille Angleterre. Mais le Cap fut une simple conquête. Les Hollandais y avaient implanté leur drapeau, leur sang et leur langue depuis près de deux siècles quand le gouverneur Janssens capitula en 1808, après une bataille livrée