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Ainsi, qu’on apprenne l’anglais ; mais qu’on n’oublie pas le hollandais, ni surtout le dialecte afrikaans.

Deux fables très amusantes sont imitées de La Fontaine : la Grenouille crevée, — le Corbeau et le chacal. Le chacal emploie les formules les plus affectueuses de la conversation entre boers ; et comme tout le monde chez les boers est oncle ou neveu, il appelle maître corbeau : ou neef, vieux neveu. Cela pourrait être l’Allemagne guignant le fromage du TransvaaI. Puis ce sont des odes patriotiques célébrant les victoires transvaaliennes, des couplets sur la mort glorieuse d’un héros de l’État-Libro, tombé dans une guerre contre les Bassoutos, Louw Wepener. En tête de l’ouvrage, une femme, coifîée du bonnet phrygien, a l’air de se mettre en marche et de faire signe à quelqu’un, un pied sur le territoire du Cap, l’autre déjà posé sur celui du « Vrijstaat ; » elle tient une ancre, un bouclier, un drapeau avec la devise : « Sud-Afrique, en avant ! » Le commentaire de cette gravure est une pièce curieuse, intitulée : Alles sal reg kom, « tout doit venir à point. » Le dernier président de l’État-Libre, Jan Brand, avait coutume de répéter cette phrase, devenue proverbiale, quand il parlait des futurs États-Unis de l’Afrique du Sud. Il l’avait empruntée au Ça ira du temps de la Carmagnole, mais il en faisait une règle d’opportunisme.

Nous allons traduire librement ces vers, parce qu’en cherchant les manifestations du patriotisme dans la poésie nous ne pourrions guère rencontrer un moulage plus net de sa forme afrikandériste.


« Chacun ici est démocrate ; — Personne qui soit aristocrate, — Personne dans le petit Vrij Staat, — Notre petit, vaillant Vrij Staat, — Le Libre-État, noyau d’une libre Afrique, — Oui, d’une indépendante Afrique, — D’une Afrique avec son drapeau, — D’une Afrique sans les trahisons, — Sans le dédain, le déshonneur, — Hier faible et pauvre, non aujourd’hui.

« Oui, d’une Afrique, pays puissant, — Que la mer borde, d’une côte à l’autre, — Pays de frères, main dans la main. — Oui, ça ira, on le verra. — Et ce sera le fameux jour, — Jour des couleurs qui flotteront — Sur plage alors et sur falaise — De la Grootrivier à la Touguéla.

« Notre nation et son drapeau, — Oui, ça ira, on les verra ; — Qui parle encore de la Hollande ? — Qui parle encore de l’Angleterre ? — Le sud-Afrique, c’est bien assez : — Nous formerons une alliance. — Et moi je suis Afrikander ; — Viens de Hollande ou d’Angleterre, — Ou viens de France, viens d’Allemagne, — Fort peu me chaut, n’en parlons pas.