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de bourses donnés par l’État, par les départemens, par les villes et les communes. A défaut de bourses, des remises sont accordées par le ministre sur la proposition du directeur. Personne n’est renvoyé faute de ressources. L’État contribue par une subvention annuelle qui peut s’élever jusqu’à une somme de 264,300 francs. L’institution, par suite de libéralités et de capitalisations, a des revenus qui montent à 50,000 francs ; le total des pensions acquittées par les familles, des bourses départementales et communales s’élève à 80,000 francs. Voilà le budget de l’institution, et il est difficile que les dépenses ne le dépassent pas. La plus complète égalité règne entre le pauvre et le riche, entre celui qui ne paie rien et celui dont les parens versent la pension complète. Comme dans nos lycées, le régime, l’éducation, l’instruction sont les mêmes. A l’intérieur comme à l’extérieur, le costume est uniforme et obligatoire pour tous ; les montres et les bijoux sont interdits. L’enfant de l’humble journalier s’assoit, travaille, joue à côté du fils du banquier ou du grand industriel, et nos récits auront prouvé à nos lecteurs que, dans aucune maison d’éducation, les soins de toute nature ne sont plus largement donnés aux enfans et aux jeunes gens.

Cette belle œuvre, à laquelle s’attachent avec passion ceux qui s’y dévouent, comme le directeur, M. Javal, comme l’éminent censeur, M. Dubranle, outre la joie pure qui accompagne toujours la pratique du bien, leur apporte une autre récompense, celle des résultats croissans de leurs efforts. Ceux qui, comme nous, se donneront le plaisir de visiter l’institution, d’aller voir les élèves dans leurs classes, dans leurs ateliers, dans leurs cours de récréation, ne conserveront sur ce point aucun doute. Un des professeurs de la maison, M. Bélanger, dont nous avons cité plus haut la Revue mensuelle, a reproduit dans son numéro d’août 1887, d’après les journaux parisiens, un incident significatif qui s’est produit dans une séance du conseil de révision du département de la Seine. « A l’appel du nom d’un des conscrits, le président du conseil a vu s’avancer un grand jeune homme qui lui dit : — Je crois qu’il est inutile de me soumettre à la visite, monsieur le président, je ne puis être soldat. — Pour quel motif ? quel est donc le cas d’exemption que vous invoquez ? — Parce que, monsieur le président, je suis sourd-muet. — Comment ? vous êtes sourd-muet ; vous avez répondu à l’appel de votre nom, et maintenant vous soutenez une conversation avec moi. Est-ce possible ? — C’est uniquement au mouvement de vos lèvres, quand vous parlez, que je vous comprends, monsieur le président ; mais je suis complètement sourd.- » — Le fait a été reconnu exact.