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les chevaux qui ont été le plus justement estimés à une époque déjà reculée étaient loin de valoir nos bons demi-sang d’aujourd’hui. L’institution moderne des courses, malgré des règlemens défectueux dont nous avons souvent signalé les dangers pour l’avenir, a exercé en effet une très heureuse influence en faisant rechercher dans les animaux des qualités supérieures d’origine, de conformation et de vitesse qui ont été obtenues par la sélection. De bonne heure, nous avons suivi les Anglais dans cette voie ; aussi possédons-nous actuellement des pur-sang au moins aussi bons que les leurs, et nos trotteurs, dont la race est de création toute récente, peuvent-ils lutter déjà avec ceux de Russie et d’Amérique.

Malheureusement, on n’a pas su jusqu’ici tirer tout le parti qu’il faudrait de ces richesses nouvelles. On a de plus en plus sacrifié chez le pur-sang toutes les autres qualités à la vitesse, et l’on a ainsi obtenu des reproducteurs trop grêles, par conséquent plus ou moins incapables d’améliorer nos races de service. Quant à celles-ci, on s’inspire encore d’idées d’un autre âge : on croit que chaque contrée doit produire aujourd’hui comme autrefois un type particulier ; on ne voit pas que ces types étaient dus aux seuls reproducteurs et que, les causes ayant changé, les effets ne sauraient être les mêmes. Et c’est parce que l’élevage n’est pas dirigé comme il devrait l’être, qu’il est si peu rémunérateur.

Le seul enseignement qu’il faut tirer, selon nous, de l’étude des anciennes races, c’est que dans presque toute la France on peut élever avec succès les chevaux de selle, qui actuellement sont si rares ; quant à la qualité de ces chevaux, elle dépend uniquement des croisemens et des accouplemens et des soins qu’on donnera aux jeunes animaux.

Si l’on a peu à peu renoncé à cet élevage autrefois florissant, cela vient surtout de ce que les Normands, qui ont adopté les premiers les idées modernes venues d’Angleterre, ont rapidement obtenu des résultats qui ont découragé les éleveurs des autres contrées. Ceux-ci se sont laissé persuader que le sol et le climat de la Normandie convenaient seuls ou, du moins, convenaient beaucoup mieux que les leurs à cet élevage, tandis qu’en réalité ils avaient seulement à souffrir eux-mêmes de l’éloignement de Paris et de l’Angleterre où les bons chevaux trouvent promptement des acquéreurs, et aussi de la difficulté de trouver des hommes d’écurie aussi habiles dans leur métier que ceux qu’on trouve en Normandie. Ils ont alors renoncé à la lutte et se sont mis à élever du bétail et des chevaux de culture, au lieu de produire le cheval de luxe, qui pourtant, si le sol exerçait l’influence qu’on dit, devrait acquérir