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questions de clocher doivent naturellement absorber la grande majorité des débats ; et sans doute cela est vrai jusqu’à un certain point. Lorsque le gouvernement impérial britannique eut concédé à ses colonies les bénéfices du gouvernement parlementaire, aussi bien en Australie qu’au cap de Bonne-Espérance ou au Canada, il reconnut la parfaite autonomie de chacune d’elles en matière de politique locale, mais il se réserva seul le droit et le pouvoir absolu de décider de toutes questions de politique générale, affectant les intérêts de l’empire dans ses relations avec les autres puissances. Chaque colonie constitue, sous certaines réserves cependant, un État autonome ; l’Angleterre impériale seule constitue l’État souverain ; mais, si les questions de politique extérieure restent en dehors des programmes parlementaires coloniaux, liberté entière est donnée aux colonies britanniques de traiter en dernier ressort, dans leurs juridictions respectives, des plus graves et des plus hautes questions de politique économique et sociale. N’est-ce point là un des phénomènes les plus remarquables de notre temps, que de voir ces questions débattues librement et dans un sens ultra-libéral, dans un pays destiné, il y a un siècle, à servir de lieu d’exil à ceux qui, à cette époque et pendant les cinquante et quelques années qui suivirent, s’insurgèrent contre toutes les lois d’ordre social, moral ou politique de leur pays d’origine ?

C’est donc dans la solution que les législatures australiennes cherchent aux grandes questions sociales qui éliraient nos vieilles sociétés, que gît surtout l’intérêt qu’il convient de concentrer sur ces jeunes pays. Les constitutions respectives des colonies australasiennes diffèrent sous certains rapports les unes des autres, mais le principe fondamental sur lequel elles sont fondées est partout le même. Il ne serait donc pas sans intérêt d’examiner les résultats obtenus aux antipodes par l’exercice de la liberté absolue que la Grande-Bretagne a octroyée à ses rejetons, et d’étudier l’histoire du progrès de leur organisation. Malgré la distance qui les sépare du reste du monde civilisé, et précisément à cause de cet isolement, ce qui peut sembler paradoxal, mais n’en est pas moins vrai, ces jeunes nations sont appelées à jouer un rôle très important dans la réforme économique prochaine. Au fait, l’évolution pratique de ce problème, telle qu’elle se produit en Australie, est suivie en Europe par les classes intéressées avec la plus grande attention, et par ceux qui s’occupent autrement de ses conséquence », avec le même intérêt qui s’attachait il y a un peu plus d’un siècle au mouvement républicain et révolutionnaire en Amérique. Mais les temps sont changés, l’ère des révolutions sanglantes est passée. Il y a cent ans, l’oppressé ignorant opposait à l’oppresseur, également ignorant