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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/407

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Sous l’administration énergique du gouverneur Macquarie, successeur du fameux capitaine Bligh, le héros de cette célèbre révolte des matelots du Bounty, drame sanglant qui devait se terminer par une idylle, la jeune colonie entra dans une ère de remarquable prospérité.

Macquarie avait remplacé Bligh dans des conditions tellement curieuses qu’elles demandent ici une mention toute particulière. Elles jettent un jour nouveau et intéressant sur l’histoire des premières années de l’occupation de la Nouvelle-Galles du Sud.

Le gouvernement anglais, alors aux prises avec les armées républicaines et plus tard impériales sur les grands champs de bataille du continent, s’était trouvé embarrassé pour fournir les garnisons nécessaires au maintien de la sécurité publique et à la garde des forçats dans ses établissemens des antipodes. Les autorités se virent donc dans la nécessité d’organiser pour ce service un corps colonial spécial connu sous le nom de Corps de la Nouvelle-Galles du Sud, composé de soldats ramassés un peu partout et commandés par des officiers appartenant à la classe commerciale, dont la grande majorité n’avait aucun service antérieur, esprits entreprenans et aventureux, attirés par les avantages territoriaux offerts par le gouvernement colonial, et par l’espoir d’arriver rapidement à la fortune dans un pays où l’état économique rudimentaire leur offrait d’attrayantes et nombreuses chances de succès. L’isolement de la Nouvelle-Galles du Sud, communiquant à de rares intervalles avec le reste du monde, surtout pendant la période de bouleversement que traversait l’Europe dans les premières années du XIXe siècle, avait eu sur le commerce, les échanges et le système économique du pays une influence remarquable.

Les valeurs monétaires courantes, par suite de la difficulté d’en obtenir en quantité suffisante pour les besoins du commerce, avaient atteint une telle dépréciation que l’argent avait fait place comme étalon d’échanges à un article de transport facile et de consommation, hélas ! trop générale alors et plus facile encore. Cet article n’était autre que le « rhum » importé des plantations indiennes. Malgré les efforts du gouverneur King et de son successeur, le capitaine Bligh, pour réagir contre ses effets, ce mode de payement en nature s’étendit rapidement à toutes sortes de transactions ; les ventes ou échanges de biens fonciers au prix d’un nombre plus au moins considérable de gallons de rhum devinrent des affaires journalières. L’imposition de droits prohibitifs n’eut d’autres résultats que la création d’un système de contrebande suivie, facilitée par l’immense étendue de côtes que les officiers de la douane ne pouvaient sur veiller, et favorisée surtout par le fait même que les officiers du