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ambitieux et libres dans la constitution sociale du pays. Dans la Nouvelle-Galles du Sud, le nombre des mineurs avait été bien moins considérable, et la population étant, à l’origine de ce mouvement, beaucoup plus nombreuse que celle de Victoria, et disséminée en outre sur un territoire alors dix fois plus étendu, le vieux système s’y débattit plus longtemps contre cette invasion de libéralisme. Il était clair cependant que l’administration directe des colonies par le gouvernement métropolitain avait fait son temps. A moins de perdre ses dépendances, l’Angleterre se voyait forcée de leur concéder le droit de se gouverner elles-mêmes, et d’octroyer à chacune d’elles une charte et une constitution en rapport avec l’état politique qui se développait dans leurs centres respectifs.

On ne peut qu’admirer la sagesse du gouvernement britannique en cette circonstance ; sa conduite offre un contraste frappant avec celle du gouvernement qui, trois quarts de siècle auparavant, fit perdre à George III le plus magnifique joyau de la couronne impériale. La leçon enseignée aux hommes d’État du siècle passé n’avait point été perdue pour leurs successeurs.

Ils allèrent même plus loin ; ils auraient pu jusqu’à un certain point imposer aux différentes colonies une constitution identique, mais ils comprirent que l’état politique de chacune d’elles, par suite de la prédominance d’élémens différens dans leur organisation sociale encore embryonnaire, demandait un traitement spécial. Ils furent donc assez sages et assez modérés pour laisser aux colonies en cause le soin d’adopter chacune la constitution qui lui convenait, et maintinrent ce principe depuis, chaque fois qu’il fut question d’octroyer à une colonie quelconque les bénéfices du gouvernement parlementaire.

C’est ainsi que l’on remarque certaines nuances dans l’organisation politique des diverses colonies. La différence qui existe entre la constitution de la Nouvelle-Galles du Sud et celle de Victoria porte surtout sur le mode d’élection aux deux chambres qui composent leurs parlemens respectifs. Dans la Nouvelle-Galles, les membres du conseil législatif (qui correspond au Sénat en France) sont nommés par le gouverneur sur la recommandation du conseil exécutif ; ils sont sénateurs à vie. Dans la colonie de Victoria, les membres du sénat sont élus par le suffrage limité, et pour une période de six ans. Dans certaines colonies, le suffrage universel est modifié par une clause qui admet le principe de la pluralité des votes ; mais l’influence toujours croissante de la démocratie tend à faire disparaître cette anomalie en faveur de l’égalité électorale et du vote personnel et unique. One man, one vote (un seul homme, un seul vote) est aujourd’hui le cri général.