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de 15,000 conseils conservateurs. C’était l’état municipal de la France il y a quinze jours. La proportion ne doit pas s’être sensiblement modifiée, et ce qu’il y a de plus clair à travers tout, c’est que le pays reste ce qu’il était. Qu’on cherche à tout prix, si l’on veut, une signification politique dans ce vaste et obscur scrutin : il reste à peu près évident que cette masse nationale aux instincts paisibles, aux mœurs laborieuses, quoique remuée un instant par les élections, n’est certainement ni pour les agitations socialistes, ni pour les propagandes anarchistes, ni pour les violences de parti, ni même pour les excitations religieuses. Elle demeure la force de consistance un peu passive, si l’on veut, mais toujours puissante et solide contre ceux qui ne rêvent que destruction, guerres intestines et révolutions sociales. Quelles que soient les apparences, quels que soient les incidens, c’est après tout la moralité de ces élections qui viennent de s’accomplir.

Comme si ce n’était pas assez de ces crises d’un 1er mai, de ces batailles municipales, des explosions anarchistes et de leurs suites cruelles pour d’infortunées victimes, cependant, comme si cela ne suffisait pas pour occuper le gouvernement et le parlement à leur prochaine rencontre, il faut encore qu’on ait ces éternels conflits religieux qui se mêlent à tout. Ces tristes conflits, que nous nous obstinons à croire en partie factices, qui deviennent une obsession de l’opinion, ils ne cessent pas : bien au contraire, loin de s’apaiser, ils ne font que se compliquer et s’aggraver. Car c’est malheureusement ainsi : une fois qu’on est dans cette voie, on ne s’arrête plus. Aux emportemens des uns répondent les emportemens des autres. Ce ne sont plus que déclarations acerbes, représailles, défis irritans. On croyait, il y a bien peu de temps encore, marcher vers la paix, une paix visiblement désirée par l’instinct public ; on retombe, plus que jamais, dans la guerre, une guerre aggravée par le bruit des polémiques, par les excitations du combat, par les impatiences, les susceptibilités et les fautes des uns et des autres. Oui, en vérité, on a un peu trop oublié qu’on ne traite pas les problèmes les plus délicats de la société morale avec du bruit, qu’il en est des relations de l’Église et de l’État comme de ces droits du roi et de ces droits du peuple qui, au dire du cardinal de Retz, ne s’accordent jamais mieux que dans le silence. On a singulièrement oublié aussi ce que disait M. Thiers, à une heure où il s’efforçait d’accréditer la république : «… Toucher à une question religieuse, disait-il, est la plus grande faute qu’un gouvernement puisse commettre… Pour moi, affliger quelque nombre que ce soit de consciences religieuses est une faute qu’un gouvernement n’a pas le droit de commettre. Tout gouvernement qui veut entreprendre sur la conscience d’une partie quelconque de la nation est un gouvernement impie aux yeux mêmes de la philosophie… » Aujourd’hui, on n’écoute ni