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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/480

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Ce pape, à l’esprit hardi et conciliant, sera-t-il écouté ? La république, qui n’a plus guère d’ennemi qu’elle-même, se décidera-t-elle à être le régime tolérant et libéral de tout le monde ? Les évêques auront-ils la prudence de rester dans leur rôle ? ou bien va-t-on se laisser aller de part et d’autre à cette politique de conflits perpétuels qui ne conduit qu’à des scissions peut-être irréparables, qui divise les forces de la France dans un moment où grondent des agitations menaçantes pour la république autant que pour l’Église, pour la société tout entière ? Ce sont là les questions devant lesquelles vont se retrouver les chambres à leur prochaine rentrée. Toutes ces questions et bien d’autres, elles existaient sans doute, elles n’ont fait que s’aggraver depuis un mois par des événemens qui peuvent donner à réfléchir. Elles sont certes assez graves pour qu’on ne commence pas par perdre le temps en obscures intrigues ministérielles ou parlementaires qui ne conduiraient à rien. La vraie question, celle qui les comprend toutes, est plus que jamais dans le choix entre une politique de protection sociale, de paix morale, de prévoyance courageuse, et la politique de faiblesse, de pseudo-radicalisme qui laisse le pays incertain, use les institutions en compromettant la France elle-même dans sa sécurité et dans son honneur.

Tout ce qu’on peut dire, à la vérité, c’est que la France n’est pas le seul pays où il y ait des crises intimes, des fermentations sociales ou religieuses et des journées qui ont le triste privilège d’exciter d’avance une certaine anxiété. L’anarchisme, la dynamite, le socialisme et les 1er mai existent pour tout le monde aujourd’hui en Europe. En définitive, partout ou presque partout, elle s’est passée à peu près sans accident grave, cette journée qu’on redoutait un peu. En Angleterre, il y a eu à Hyde-Park une gigantesque démonstration populaire, mais rien de plus qu’une démonstration. A Berlin, la police avait eu le soin de multiplier les arrestations, et les socialistes qui ne veulent pas être confondus avec les anarchistes se sont bornés à célébrer la « fête ouvrière » dans leurs réunions. En Espagne, il n’y a eu que des craintes heureusement dissipées. Au-delà des Alpes tout s’est passé sans trouble, non cependant sans quelques tentatives d’explosions, comme pour rappeler que l’Italie a ses anarchistes. En Belgique seulement, à Liège, de véritables attentats ont été commis. La société européenne, à ce qu’il paraît, doit s’accoutumer à ce rassurant régime des bombes, des menaces adressées à tout le monde, des déclarations de guerre socialistes, des 1er mai qui ressemblent à des journées de terreur, et c’est au milieu de ces aimables préoccupations que tous les pays ont à suivre leurs affaires publiques, affaires de parlement et de gouvernement. C’est au bruit des attentats de Liège que la Belgique notamment vient de préluder, par une discussion parlementaire, des plus