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le pouvoir que sous la forme du pouvoir le plus absolu, le despotisme militaire, essaya de partager la France en deux catégories, l’une, composée de la masse du peuple, destinée à remplir les vastes cadres de son armée et disposée, par l’abrutissement où il voulait la maintenir, à une obéissance passive, à un fanatique dévoûment ; l’autre, plus élevée en raison de sa richesse, devait conduire la première selon les vues du chef qui les dominait également, et, pour cela, être formée elle-même dans des écoles où, en même temps qu’on la dressait à une soumission servile et, pour ainsi dire, mécanique, elle acquérait les connaissances relatives surtout à l’art de la guerre et à une administration toute matérielle ; les liens de la vanité et de l’intérêt devaient ensuite l’attacher à sa personne et l’identifier, en quelque sorte, à son système de gouvernement. » — Atténuez d’un degré cette peinture trop sombre, et elle est vraie. Pour l’instruction primaire, aucune subvention de l’État, nul crédit inscrit au budget, aucune aide en argent, sauf 25,000 francs alloués en 1812 aux novices des Frères Ignorantins, et dont ils ne touchent que 4,500[1] : la seule marque de faveur accordée aux petites écoles est l’exemption de la redevance universitaire[2]. Avec leurs habitudes de logique fiscale, ses conseillers proposaient de l’exiger ici comme partout ailleurs : en politique avisé, il juge que la perception en serait odieuse, il tient à ne rien perdre de sa popularité parmi les villageois et les petites gens ; c’est 200,000 francs par an qu’il s’abstient de leur prendre ; mais, à l’endroit de l’instruction primaire, ses libéralités s’arrêtent là. Que les parens et les communes s’en chargent, en fassent les frais, cherchent et engagent l’instituteur, pourvoient eux-mêmes à un besoin qui est local, presque domestique : le gouvernement, qui les convie à cette œuvre, ne leur en fournit que le cadre, c’est-à-dire un règlement, des prescriptions et des restrictions.

D’abord, autorisation du préfet, tuteur de la commune, qui, ayant invité la commune à fonder une école, lui a, par une circulaire, expédié toutes les instructions à cet effet, et qui maintenant intervient dans le contrat passé entre le conseil municipal et l’instituteur, pour en approuver ou en rectifier les clauses, nom du titulaire, durée de son engagement, heures et saisons de ses classes, matières de son enseignement, total et articles de son salaire en argent ou en nature, subvention scolaire payée par la commune, rétribution scolaire payée par les élèves, petits

  1. Le Régime moderne, t, 247.
  2. Pelet de la Lozère, p. 159.