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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/491

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compter et qui jamais n’opère à côté ou au-delà de §a limite tracée. Rien de plus commode pour Napoléon, qui, dans l’ordre civil, veut être un pape, qui fonde son État, comme le pape son Église, sur la vieille tradition romaine, qui, pour gouverner d’en haut, s’allie à l’autorité ecclésiastique, qui, comme l’autorité catholique, a besoin d’exécutans disciplinés, de manœuvres enrégimentés, et ne peut les trouver que dans des corps organisés et spéciaux. À chaque recteur d’académie, les inspecteurs généraux de l’Université donnent pour consigne les instructions suivantes : « Partout où il se trouve des Frères des Écoles chrétiennes, ils seront, » pour l’enseignement primaire, « préférés à d’autres[1]. »

Aussi bien, aux trois matières enseignées, il faut enjoindre une quatrième, que le législateur ne mentionne pas dans sa loi, mais que Napoléon admet, que les recteurs et préfets recommandent ou autorisent, et qui presque toujours est inscrite dans le traité conclu entre la commune et l’instituteur. Celui-ci, laïque ou frère ignorantin, promet d’enseigner, outre « la lecture, l’écriture et le calcul décimal, » « le catéchisme adopté pour l’Empire. » En conséquence, aux approches de la première communion et pendant deux ans au moins, il veille à ce que ses élèves apprennent par cœur le texte consacré, et en classe ils lui répètent ce texte tout haut, article par article ; de cette façon, son école devient une succursale de l’Église, et, par suite, comme l’Église, un instrument de règne. Car, dans le catéchisme adopté pour l’Empire, il est une phrase méditée, riche de sens et précise, où Napoléon a concentré la quintessence de sa doctrine politique et sociale, et formulé la croyance impérative qu’il assigne pour but à l’éducation. Cette phrase puissante, les sept ou huit cent mille enfans des petites écoles la récitent à l’instituteur, avant de la réciter au curé : « Nous devons en particulier à Napoléon Ier, notre Empereur, l’amour, le respect, l’obéissance, la fidélité, le service militaire, les tributs ordonnés pour la conservation et la défense de l’Empire et de son trône… Car il est celui que Dieu a suscité, dans des circonstances difficiles, pour rétablir le culte public et la religion sainte de nos pères, et pour en être le protecteur[2]. »


VII

Reste l’instruction supérieure, la plus importante de toutes ; car, dans ce troisième et dernier stade de l’éducation, les jeunes

  1. Ambroise Rendu, par Eugène Rendu, p. 42.
  2. D’Haussonville, l’Église romaine et le premier Empire, II, 257, 266. (Rapport de Portalis à l’Empereur, 13 février 1806.)