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résignaient au gouvernement établi, on inventera pour les chasser des lois plus dures encore. Il faut qu’ils restent dehors, il faut que la paix ne se signe jamais entre la république et l’Église. Les chefs des partis avancés le proclament, les centres adhèrent par le silence et le vote. Voilà la réponse de ceux qui gouvernent aux avances du parti conservateur. La multitude des âmes loyales, généreuses et désenchantées peut se presser aux portes, attendant un mot d’encouragement. Pour elle aussi il est écrit : « Vous qui entrez laissez toute espérance. »


II

Il y a quelque chose de plus nécessaire que l’espérance, la vérité. Le dénoûment brutal, inique, était inévitable. Certes rien ne mérite plus de respect que l’effort des monarchistes. C’était un rare désintéressement de s’offrir à un régime ennemi sans espoir de faveur, ni gain d’ambition. C’était, dans une société féroce d’égoïsme et idolâtre de jouissances, une noble leçon de revendiquer, comme l’unique chose nécessaire, une croyance morale, une loi du devoir. Mais si haut qu’ils s’élevassent ainsi, ils ne devaient pas atteindre au succès. Pour réussir, qu’a-t-il manqué aux conservateurs venus de si loin et avec tant de courage ? Le courage du dernier pas. Attendre la paix religieuse pour accepter la république, c’était méconnaître la nature du pouvoir dans une démocratie libre, et leur rêve d’un concordat politique avec le gouvernement trahissait, chez les honnêtes gens qui se croyaient près de devenir républicains, la survivance de l’esprit monarchique.

Quand la Ligue, lasse de défaites, proposa à Henri IV de se soumettre, à la condition que la vieille foi demeurât la religion nationale, quand les catholiques, sanglans des blessures révolutionnaires, offrirent à Bonaparte leur fidélité en échange de sa protection, la requête était opportune. En Henri IV la France avait retrouvé, en Bonaparte elle pressentait un souverain. Nul moyen alors de rien obtenir, sinon par la volonté du maître ; ce maître, n’étant la créature d’aucun parti, pouvait être l’arbitre de tous ; enfin les accords conclus avec lui s’annonçaient durables comme son pouvoir.

L’autorité n’a aucun de ces caractères, où le suffrage universel règne et où les assemblées gouvernent. Là l’opinion, juge suprême, donne perpétuelle audience à toutes les idées, à tous les intérêts, et sa sentence toujours provisoire, qui remet pour un temps