Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/530

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour la république : car les députés qui se taisent sur la question de gouvernement cessent de combattre le régime qu’ils attaquaient et de défendre celui qu’ils soutenaient ; ils se retirent à l’anglaise, mais c’est de la monarchie qu’ils sortent. Si bien qu’à la chambre, même parmi les représentans du parti royaliste, la royauté est en minorité.

Si le mouvement devait s’arrêter là, il ne serait que funeste. Dans leurs défaites, les monarchistes avaient du moins gardé intacte leur union : elle est brisée. A l’armée qui demande un mot d’ordre, ceux-ci répondent très haut : « Monarchie ; » ceux-là, tout bas : « Constitution, » et ceux-là : « Ni l’une ni l’autre. » Que la bataille surprenne ainsi royalistes, libéraux et constitutionnels, ces trois Curiaces se traîneront, d’un pas inégal, au-devant de l’adversaire sans blessures, et ce sera un massacre plus qu’un combat.

Il faut donc que la droite ne s’attarde pas dans le désordre de cette transition, mais se hâte vers le terme où la logique la mène, où ses forces éparses doivent se reformer. A l’heure présente, les royalistes purs sont seuls conséquens. Mais la droite « libérale » s’imagine-t-elle que des politiques puissent mettre longtemps en commun leur absence d’avis sur la question maîtresse de la politique ? Leur devenir républicain ressemble au dieu de M. Renan, ce dieu qui, sans être, se crée, prend à loisir conscience de lui-même et finira par gagner son nom à l’ancienneté. Mais les peuples ne comprennent pas toujours ce que les philosophes entendent, et les partis n’ont pas les siècles à leur service pour leurs métamorphoses. Pourquoi ces hésitations ? Par crainte d’offenser les cours de l’exil, des journaux qui ne se lisent plus, un monde qui, en s’honorant d’être fermé, marque lui-même les bornes de son influence. Si de telles raisons étaient bonnes, ceux qu’elles retiennent devaient demeurer cois dans le giron royaliste. S’ils en sont sortis, poussés par une force supérieure aux habitudes, aux amitiés et aux respects, il est trop tard pour opposer maintenant les petits prétextes à la volonté nationale qui les attend. Le pire pour eux est de s’arrêter à mi-chemin de toutes les infidélités : le bon sens, la dignité, l’intérêt, l’instinct de la conservation, leur commandent de s’unir aux constitutionnels.

Les constitutionnels, à leur tour, croient-ils avoir accompli tout leur devoir ? Connus par l’éclat de leur attachement à la monarchie, ils ont un jour rédigé un procès-verbal de leur adhésion à la république. Il n’y a pas à marchander les louanges aux bons citoyens qui sacrifiaient ainsi leurs préférences pour se lier à la vérité, mais ils s’exagèrent la valeur d’une signature, s’ils croient qu’elle suffise à faire vivre un parti. Dans un gouvernement