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LES
SALONS DE 1892

LA PEINTURE AUX CHAMPS-ELYSÉES.

L’art du peintre, comme l’art du poète, a des ressources infinies. L’histoire analytique de la peinture, si on pouvait la faire, serait l’histoire des modifications du sens visuel dans l’humanité, en même temps que l’histoire de nos transformations intellectuelles et morales. Chaque civilisation, chaque génération, chaque individu presque lui demande quelque chose de nouveau, suivant son degré de culture, ses passions, ses habitudes. Entre les bariolages éclatans qui suffisent aux sociétés primitives pour égayer leur mobilier ou accentuer leur architecture, et les complications d’imagination, d’observation, de pensée qu’y peuvent faire tenir, dans des milieux savans et raffinés, un Léonard, un Rembrandt, un Delacroix, il reste dans l’intervalle une place énorme pour toutes sortes de manifestations plus ou moins rapprochées de la première barbarie ou de la perfection dernière. Toutefois, de même que la poésie, grande ou petite, ne peut agir qu’au moyen d’un rythme déterminé et d’un langage précis, la peinture ne peut employer d’autres moyens d’expression que la forme et que la couleur.