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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/641

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Italiens, Flamands ou Français, Titien, Rubens, Prud’hon, Delacroix, etc. Les paysagistes de profession s’en tiennent plus rarement à cette façon sommaire de résumer les phénomènes extérieurs ; l’habitude de vivre dans un contact étroit et journalier avec les choses maintient sans cesse leur curiosité en haleine et leur donne le besoin d’analyses plus détaillées et plus précises. Corot, parmi eux, est une exception ; encore n’a-t-il jamais cessé, pour vivifier ses paysages rêvés, d’étudier sans relâche le paysage réel ; c’est par les analyses les plus méticuleuses qu’il s’est laborieusement préparé à cette manœuvre libre, si voluptueuse et si séduisante, mais si dangereuse à imiter. C’est vers le rêve que se portent, en grande masse, nous le verrons, les paysagistes du Champ de Mars, réduisant la poésie de la nature à un reflet, parfois très délicat et très subtil, de la réalité, mais de plus en plus subtil, languissant, insaisissable. Aux Champs-Elysées, nous avons, en M. Pointelin, un des représentans les mieux doués de cette manière un peu flottante son Pays bas dans le Jura et sa Montée sont nuancés, dans les gammes douces, avec une souplesse et une science délicieuses, mais M. Pointelin ne sortira jamais des mêmes effets. C’est un art trop personnel, trop limité, trop indécis pour ne pas devenir monotone et pour ne pas sembler, chez des élèves, maladif et factice. On verrait, avec peine, MM. Baillet et Clary, qui avaient débuté par des études si franches et si nettes, se noyer dans ces vapeurs énervantes. Ne peut-on chanter doucement sans chanter en sourdine et à bouche fermée ? La Matinée d’août en Seine et le Vieux pont de Vernon ont été vus par des yeux très délicats, si délicats qu’ils semblent assoupis et près de se clore ; mais ce n’est presque plus là de la peinture : nous sommes tout près du papier d’ameublement.

Il y a plus d’avenir, ce semble, dans la vigueur avec laquelle d’autres jeunes artistes, MM. Rigolot, Quignon, Petit-Jean, par exemple, se prennent corps à corps avec toutes les difficultés d’interprétation qu’offre la réalité puissante des choses. Avec cette candide et juste conviction que tout, pour le vrai peintre, devient matière à peinture, comme pour le vrai poète tout est matière à poésie, M. Rigolot s’est installé devant le plus banal et le plus prosaïque des spectacles, une carrière de pierres en exploitation. La vision de l’artiste a été si nette et si forte, il a rendu, avec tant de justesse et de vérité, l’éclat aveuglant de la lumière sur certaines parois de la tranchée, les douceurs nuancées de la pénombre sur certaines autres, et, au-dessus de cette cavée toute blanche, morne et muette, il a fait si gaîment verdir la belle joie des feuillages enveloppant, sur la hauteur, les toits et le clocher d’un village endormi sous le ciel d’été, que cette Carrière de Saint-Maximin