Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/809

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

présidé, de 1718 à 1725, aux marchés conclus par les Français entre eux. La baisse effective de la monnaie n’eut lieu qu’en 1726, lors de la refonte des espèces ; la diminution de ces espèces décriées infligea alors aux particuliers et aux établissemens publics une perte réelle, mais très amoindrie par l’état d’éparpillement où elles se trouvaient, dans tant de poches et de coffres-forts[1].


VI

Ainsi que nous l’avons déjà constaté, le pouvoir de l’argent sur lui-même, dont le taux de l’intérêt, c’est-à-dire le loyer de l’argent, est le critérium, n’a pas subi jadis les fluctuations du pouvoir général de l’argent sur les marchandises. Le taux de l’intérêt est demeuré stationnaire, depuis le commencement du XIIIe siècle jusqu’à la fin du XIVe, tandis que le pouvoir de l’argent diminuait. Il n’a pas bougé davantage lorsque ce pouvoir s’est mis à hausser au XVe siècle ; au contraire, le loyer de l’argent a fortement baissé vers 1480, à une époque où l’argent, évalué en marchandises, était plus cher qu’il n’avait jamais été depuis quatre cents ans.

Un second fait, non moins frappant, c’est la très grande différence qui existe au moyen âge entre le taux d’intérêt des valeurs mobilières et celui des biens-immeubles ou assimilés. L’un dépasse 20 pour 100, l’autre atteint à peine 10 pour 100 dans les campagnes et moins encore dans les villes. Je parle ici de la période antérieure à 1475 ; car, à partir de cette date, le taux de l’intérêt des prêts mobiliers dégringola de 20 pour 100 à 15,12, 10 et 8 pour 100, où il avait même de la peine à se maintenir au début du XVIIe siècle ; tandis que le revenu des terres s’abaissait seulement, durant le même temps, à 7 et 6 pour 100. Après avoir été beaucoup plus éloignés l’un de l’autre qu’ils ne le sont de nos jours, ces deux revenus en vinrent à se rapprocher aussi beaucoup plus qu’ils ne font dans l’époque moderne, qu’ils ne faisaient surtout il y a une quinzaine d’années.

Les causes de ces phénomènes économiques sont aisées à saisir. Il est bien vrai que le loyer de l’argent dépend de l’offre et de la demande, comme le prix de toute chose au monde ; mais l’offre et la demande « d’argent à louer, » — autrement dit le taux de l’intérêt, — n’obéissent pas aux mêmes lois que l’offre et la demande

  1. La livre tournois valut en moyenne :
    De 1602 à 1614 2 fr. 39 De 1643 à 1650 1 fr. 82 De 1701 à 1725 1 fr. 22
    1615 à 1635 2 fr. 08 1651 à 1675 1 fr. 63 1726 à 1758 0 fr. 95
    1636 à 1642 1 fr. 84 1676 à 1700 1 fr. 48 1759 à 1790 0 fr. 90