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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/813

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prodigieusement diminué dès le XVe siècle, alors que dans la France, ruinée et défigurée par la guerre, il conservait ses hauts cours.

En Italie, où Vérone fixait le taux légal à 12 1/2 (1228), et Modène à 20 pour 100 (1270), ces règles n’avaient été que médiocrement observées ; puisque les Florentins, pour réduire l’usure, appelaient, en 1430, dans leur ville les juifs, qui s’engageaient à n’exiger que 20 pour 100. L’établissement, dans la péninsule, des monti, ou banques communales, contribua à la baisse du taux. C’est à ces monti italiens, au principe qu’ils posaient, et aux imitations dont ils furent l’objet, c’est-à-dire, en résumé, à l’acclimatation, à la légitimation du prêt à intérêt, qu’est dû le développement du crédit au XVIe siècle. Certes, l’affluence des métaux précieux favorisa cette amélioration ; mais on en constate les premiers symptômes avant que l’or et l’argent d’Amérique n’aient fait leur apparition dans le vieux monde, et on les constate dans le Midi plutôt que dans le Nord.

Dès 1505 il se fait dans le Comtat-Venaissin des constitutions de rentes à 7 pour 100, tandis que dans les Flandres une ordonnance du gouverneur prenait encore la peine, en 1544, de réduire le taux officiel à 12 pour 100, et n’était pas observée. A Paris, sous Louis XII, quand le roi voulait amortir les rentes dues par lui à des particuliers, il les capitalisait « au denier 12 » — 8.33 pour 100. — C’est au même taux de 8 pour 100 que fut émis, en 1522, un emprunt d’État qui est regardé comme l’origine de la dette publique. Il est vrai que cet emprunt fut un peu forcé, et qu’il fallut « user de contrainte envers les principaux bourgeois et notables. » Mais la banque de Lyon, établie en 1543 par François Ier, ne payait à ses déposans que 8 pour 100 d’intérêt ; le taux des créances chirographaires privées, constaté sur tout le territoire dans les registres des tabellions, n’excède pas cette proportion ; et les villes, pour leurs emprunts municipaux à la fin du XVIe siècle, obtenaient le même taux et même des taux inférieurs.

La législation civile se modifiait alors insensiblement, et les foudres religieuses contre le prêt à intérêt perdaient de leur rigueur. Officiellement, la doctrine de l’Église romaine demeura immobile ; Innocent XI et Benoît XIV se crurent obligés de faire, aux XVIIe et XVIIIe siècles, de nouvelles et solennelles professions des théories de la scolastique ; mais les théologiens y introduisirent tant de distinctions, y ménagèrent de si larges brèches, que toutes les formes de prêts furent dès lors autorisées en pratique. Le jour où l’on reconnut qu’il y avait matière à intérêt légitime, si le prêt comportait pour le prêteur un a gain cessant, » un « dommage naissant, » un « péril du capital, » selon les