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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/815

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villes. Je l’évalue, en ce qui me concerne, à 8 pour 100 pour les maisons et à 10 pour 100 pour les terres.

Cette proportion, si contraire à ce qui existe de nos jours, où les maisons de Paris rapportent toujours plus que les fermes et les domaines des champs, a sans doute sa raison d’être dans ce fait que la sécurité était beaucoup plus grande, du XIIIe au XVIe siècle, dans les villes fermées que dans les campagnes. Celles-ci, ouvertes à toutes les invasions, et affectées par tant de troubles qui n’atteignent pas les biens abrités derrière des remparts, ont dû éprouver de ce chef la moins-value que j’ai constatée.

Urbains ou ruraux, les revenus des immeubles de jadis étaient en partie mobilisés par l’institution des rentes foncières. La création de ces sortes de rentes, devenues avec le temps de véritables valeurs mobilières, avait été dans l’origine une simple vente. C’est donc à tort qu’on l’a parfois comparée à l’hypothèque moderne, avec laquelle elle n’a rien de commun. Le propriétaire actuel, qui hypothèque son bien, contracte un emprunt dont ce bien sera le gage. Il garde ce bien, et possède en outre un capital dont il sert la rente. C’était le contraire autrefois. Le propriétaire qui constituait une rente foncière sur sa terre ou sa maison ne recevait aucun capital ; de plus, il abandonnait sa maison ou sa terre, il en transférait la possession et la jouissance à un tiers, qui s’obligeait à lui payer en retour un revenu annuel immuable. Hypothéquer, c’est emprunter, tandis que constituer une rente, c’était prêter. Et le prêt étant le plus souvent irrévocable, puisque le prêteur ne pouvait pas plus se faire rendre son immeuble que l’emprunteur ne pouvait l’obliger à le reprendre, la constitution d’une rente foncière a tous les caractères d’une aliénation complète, faite moyennant un intérêt perpétuel, au lieu de l’être moyennant une somme une fois payée. Quelquefois le prêteur, ou vendeur, comme on voudra l’appeler, se réservait le droit de réméré. La rente, en ce cas, était dite rachetable.

Cette clause ne paraît pas influer sur le taux d’intérêt des unes et des autres. Les immeubles se capitalisent, du XIIIe au XVe siècle, jusqu’à Louis XI, sur le pied du « denier 10 » — 10 pour 100, — à la campagne, et en ville, du a denier 12, » — 8.33 pour 100 ; — car le marché des rentes foncières servait de régulateur aux fermages et aux loyers. D’ailleurs, il existait alors très peu de « loyers » et de « fermages, » si l’on prend ces mots dans leur acception moderne ; le locataire ou le fermier trouvant un avantage inestimable à devenir lui-même possesseur de la maison qu’il habitait, ou de la terre qu’il cultivait, sans débourser aucun capital et en s’engageant seulement à payer la rente de leur valeur.