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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/819

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recouvrer leur liberté était élevé toujours et parfois énorme. Je ne parle pas ici des rançons historiques de rois ou de princes ; parmi les simples gentilshommes, le mieux traité de ceux qui me sont passés sous les yeux est un noble Breton, J. de Sesmaisons, pour lequel on se contente au XVe siècle de 48,000 francs de nos jours ; cent ans avant, trois chevaliers gascons, les sires de La Roche, de Beaufort et de Lignac, avaient dû financer ensemble plus d’un million avant d’être relâchés.

Certains hommages féodaux, dont une question d’argent est l’origine et le but unique, doivent eux-mêmes être classés parmi les biens-meubles. Tout salaire, toute obligation, prenant la forme d’un fief, on affieffait de l’argent, et l’on devenait vassal d’un billet de mille francs ou d’un sac de pièces d’or. Il y avait une féodalité mobilière ou métallique, à côté de la féodalité foncière ou terrienne. Les vassaux étant la richesse du suzerain, il est naturel qu’il en achète avec de l’argent, aussi bien qu’avec de la terre. Imbert de Tréfort, écuyer, se déclare vassal de Jean de Chalon, en reconnaissance d’un don de 20 livres viennoises (1279) ; un chevalier fait hommage au seigneur de Chatelbelin (1392) pour prix d’un cadeau de 100 florins d’or, etc. De pareils exemples ne sont pas rares, et nous montrent le rôle de l’argent à cette époque, beaucoup plus étendu qu’on ne se le figure ; puisqu’il servait à représenter en les monnayant, à transformer en valeurs vénales, transmissibles par conséquent et mobiles, — ce qui proprement est le fait du bien-meuble, — une foule de propriétés qui semblent, au premier abord, ne pas se prêter aux transactions marchandes.


VIII

A partir du XVIIe siècle le prêt à intérêt marcha sans lisières dans le monde. « Il y a depuis longtemps, disait La Bruyère, une manière de faire valoir son bien, qui continue toujours d’être pratiquée par d’honnêtes gens, et condamnée par d’habiles docteurs. »

Les docteurs s’étaient fort adoucis. Les rentes foncières, créées d’ancienne date, continuent d’être touchées et vendues ; mais on en crée beaucoup moins de nouvelles, — la forme de location des terres change, — et on rachète les anciennes quand on le peut. Elles ne sont plus, depuis Henri IV, la principale valeur mobilière ; et leur importance dans la fortune publique ira sans cesse en décroissant, jusqu’au jour de la Révolution.

En revanche, les « rentes constituées, » que dans le midi l’on nomme des « pensions, » reposant, non sur un immeuble, mais