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3 1/4 pour 100 d’intérêt aux caisses, et gardant la différence pour la faire figurer en recettes au budget. Il est trop clair que, dans un tel système, l’intérêt de l’État serait en lutte avec l’intérêt des déposans, que naturellement le second serait sacrifié au premier, et que les millions de personnes qui ont confié leur humble avoir aux caisses d’épargne seraient odieusement exploitées par l’être impersonnel qui s’appelle l’État ou le gouvernement.

Donc l’État ne doit pas gagner à la gestion des deniers populaires, et il a été déjà décidé depuis cinq ans qu’il ne pourrait même plus faire usage de ces fonds pour ses besoins temporaires, sinon à concurrence d’une fraction limitée, les 100 millions du compte courant. Mais s’il ne doit pas gagner, l’État ne doit pas non plus perdre, il ne doit même courir, du fait de la gestion, aucun risque de perte. Or, en l’état actuel des choses, le risque existe, et il est considérable ; chaque année le rend plus sérieux, plus prochain, plus redoutable. Si une réforme de l’organisation des caisses d’épargne et de l’emploi de leurs fonds s’impose avec un caractère d’urgence que personne aujourd’hui n’oserait méconnaître, c’est parce qu’il faut sortir l’État de la situation périlleuse où il est engagé.

On entend dire quelquefois que dans la question des caisses d’épargne il y a à considérer : 1° l’intérêt des déposans ; 2° l’intérêt de l’État. C’est une formule bien défectueuse. Elle laisse en effet supposer une concomitance, un parallélisme d’intérêts qui n’existe pas. Les caisses d’épargne doivent être organisées de telle façon et sur de telles bases que les plus grands avantages possibles de rémunération et de sécurité, les plus grandes facilités pour le dépôt et le retrait des fonds, soient assurés aux petites épargnes populaires ; voilà pour les déposans. Il faut d’autre part que cette organisation n’implique à aucun degré la responsabilité pécuniaire de la nation, que la gestion des fonds des caisses n’impose au gouvernement aucune charge pour le présent ni pour l’avenir, le laisse en un mot sans gain ni perte ; voilà pour l’État. Quand il s’agit des déposans, l’intérêt est positif ; quand il s’agit de l’État, il est négatif, limité à l’absence de tout engagement, à la suppression de tout péril.

Le problème se ramène donc à ces données : conjurer les périls dont l’organisation actuelle des caisses d’épargne menace l’Etat, tout en laissant ou en donnant à cette organisation le maximum d’efficacité et d’action pour susciter le goût et l’habitude de l’épargne dans les classes laborieuses.

Le péril que court l’État a été dénoncé au parlement, dans la presse et dans d’innombrables publications depuis trois ou quatre