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grande valeur. Dans d’autres cas, il altère complètement les données ; au lieu de multiplier par 587, il multiplie par 600, puis par 13, et retranche le second produit du premier. Nous ne pouvons entrer dans de plus longs détails ; ce que nous disons ici suffira à donner une idée de l’ensemble des opérations.


II.

L’observation de M. Inaudi apporte un nouveau document à la théorie, aujourd’hui bien connue, des mémoires partielles. Disons d’abord quelques mots de cette théorie et rappelons rapidement en quoi elle consiste.

Il est d’usage d’employer le terme mémoire dans un sens général pour exprimer la propriété, que présentent tous les êtres pensans, de conserver et de reproduire les impressions reçues ; mais l’analyse psychologique et un grand nombre de faits de pathologie mentale ont montré qu’on ne doit pas considérer la mémoire comme une faculté unique, ayant un siège distinct ; en dernière analyse, la mémoire est un ensemble d’opérations. Il n’existe, comme dit très bien le Rapport de la commission académique, que des mémoires partielles, spéciales, locales, dont chacune a son domaine propre, et qui possèdent une indépendance telle que l’une de ces mémoires peut s’affaiblir, disparaître, ou au contraire se développer à l’excès sans que les autres présentent nécessairement une modification correspondante.

Les anciens psychologues ont méconnu cette vérité d’observation, qui cependant n’avait pas échappé au vulgaire. Ainsi, Dugald Stewart, parlant des inégalités de la mémoire, dit que ces différences sont dues au choix de l’esprit ou à l’effet de l’habitude. Gall, le premier peut-être, eut l’idée d’assigner à chaque faculté sa mémoire propre, et il fonda la théorie des mémoires partielles. De nos jours les faits qui servent d’appui à cette théorie se sont multipliés. On en doit un grand nombre à M. Taine, qui a étudié avec tant de profondeur la question des images. Il faut relire à ce propos tout le premier chapitre de l’Intelligence, ce livre si abondant en détails instructifs. M. Taine a cité, entre autres, le cas de « ces peintres, dessinateurs, statuaires, qui, après avoir considéré attentivement un modèle, peuvent faire son portrait de mémoire. Gustave Doré et Horace Vernet avaient cette faculté. » Ce sont là de beaux exemples du développement d’une seule mémoire, la visuelle. Pour la mémoire musicale, on invoque d’ordi-