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muniqués par l’audition ; puis, lorsqu’il commence les opérations de calcul, il détourne les yeux des chiffres écrits, dont la vue, loin de servir à sa mémoire, ne ferait qu’embarrasser ses opérations. Il fait à propos de ses procédés une remarque pleine de justesse : — « On me demande, dit-il, si je vois les chiffres ; comment pourrais-je les voir, puisqu’il y a quatre ans à peine que je les connais (il n’a appris à lire et à écrire que depuis quatre ans) et que bien avant cette époque j’ai calculé mentalement ? »

Il est à prévoir que beaucoup de personnes qui liront ces lignes auront peine à comprendre comment on peut calculer mentalement sans voir les chiffres et seront amenées naturellement à douter du témoignage de M. Inaudi. Il peut donc être utile de montrer en quelques mots la possibilité de calculer avec des images auditives.

Calculer est une opération qui, envisagée sous sa forme la plus simple, consiste à mettre en œuvre des associations plus ou moins automatiques, et ce travail d’association peut se faire sous des formes bien différentes. Prenons l’exemple d’une multiplication de deux nombres, soit 12 à multiplier par 4. Que fera une personne du type visuel pour multiplier mentalement ces deux nombres ? Elle verra, dans son esprit, le multiplicateur 4 placé à côté ou au-dessous du multiplicande 12 et elle exécutera l’opération dans sa tête comme elle la ferait sur le papier, en posant chaque chiffre à sa place et en tirant une ligne horizontale avant de faire le total. L’auditif ne voit rien de tout cela, et on peut imaginer qu’il exécute le même calcul à peu près de la façon suivante ; il entend ou se dit à voix basse des paroles comme celle-ci : « Quatre fois deux font huit, quatre fois dix font quarante, quarante et huit font quarante-huit. » Il arrive donc au produit 48 sans avoir seulement entrevu un chiffre.

La plupart des personnes, très probablement, font dans une certaine mesure les deux choses à la fois ; pendant un calcul mental, elles voient les chiffres, les placent les uns au-dessous des autres dans l’ordre voulu, et en même temps elles répètent à voix basse, tout en posant les chiffres, un discours semblable à celui que nous venons de transcrire ; mais on peut s’imaginer facilement des visuels assez purs pour voir les calculs sans rien dire et sans rien entendre, et des auditifs assez purs pour parler et entendre intérieurement les calculs sans rien voir.

La différence principale des deux cas est la suivante : pour le visuel, les chiffres ont une position dans l’espace ; non-seulement ils sont placés l’un après l’autre, mais ils peuvent être placés à droite ou à gauche, ou au-dessous ou au-dessus les uns des autres ; au contraire, pour un auditif pur (et probablement un peu