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appeler l’Inondation), s’expliquent d’eux-mêmes par la présence des flots qui montent vers ces désespérés. Chez M. Capellaro, c’est une famille de nudités classiques ; chez M. Houssin, une famille de paysans habillés, qui se serrent les uns contre les autres et reculent, effarés par les eaux qui les gagnent ; il y a, dans ces deux groupes, du mouvement, de l’émotion, de la vie, avec plus d’habileté de facture, mais une certaine banalité académique chez M. Capellaro. La figure, hardiment ramassée, gesticulante et hurlante, que M. Cordonnier intitule En détresse est également celle d’un naufragé appelant au secours. C’est bien dans un cas pareil que se peut excuser l’extrême violence des torsions anatomiques. Il est moins facile de comprendre à première vue ce qui pousse l’ouvrier à demi nu de M. Gréber à s’agiter si douloureusement. Une lampe de mineur, gisante à côté de l’énergumène, doit nous expliquer l’affaire ; il s’agit d’une explosion dans une mine ; cela s’appelle le Grisou. Voilà de la sculpture instantanée, mais qui, certainement, n’a pas été prise sur le vif ! La figure est bien étudiée et ne manque pas de mérite ; mais cette fois, moins que jamais, le mot s’applique à la chose.

L’allégorie funéraire est peut-être, de toutes, celle qui varie le plus aisément ses apparences, sans perdre sa clarté. Tous les chemins mènent à la mort, toutes les pensées et tous les rêves y conduisent aussi ; il n’est guère d’image plastique dont on ne puisse, au moyen d’une légère modification, soit dans l’expression, soit dans les accessoires, faire une image mortuaire. Naguère Chapu et M. Mercié excellaient et rivalisaient dans les transformations mélancoliques de ce genre ; aujourd’hui, il ne reste que M. Mercié, la Muse de la Mort ayant, à son tour, rendu à Chapu son suprême baiser. M. Mercié, dans sa statue le Regret, a renouvelé, pour Cabanel, ce qu’il avait déjà fait pour Baudry ; il nous a montré, s’appuyant sur le tombeau, une pleureuse dont on ne voit pas le visage et dont toute la douleur s’exprime par une attitude accablée et méditative sous des voiles de deuil. La grande mystérieuse qui porte des fleurs au monument du peintre tient de la main gauche sa large palette, et sous les plis légers et fins de la longue et mince draperie qui l’enveloppe, le mouvement ondulant du torse et de la hanche se fait sentir comme celui d’un corps vivant. Le ciseau de M. Mercié, si habile, a rarement donné au marbre une souplesse si libre et si large. Pour le tombeau de Feyen-Perrin, M. Guilbert a repris l’idée si heureuse qu’avait eue M. Barrias pour le tombeau de Guillaumet ; il a confié le soin de jeter des fleurs sur sa tombe à la figure favorite du peintre, une pêcheuse normande. M. Guilbert a montré sa figure debout, tandis que