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1,091,810 élèves, à peu près le cinquième de tous les enfans inscrits dans toutes les écoles primaires. Ainsi un cinquième des parens ne veulent pas du système laïque pour leurs enfans ; du moins, ils préfèrent l’autre quand l’autre leur est offert ; mais, pour le leur offrir, il a fallu des dons très larges, une multitude de souscriptions volontaires. Par ce chiffre des parens et des enfans, par cette grandeur des dons et souscriptions, on peut déjà mesurer la méfiance et l’aversion que provoque le système imposé d’en haut. Notez de plus que, dans beaucoup d’autres communes, partout où les ressources, l’entente et la générosité des particuliers fondateurs et donateurs n’ont pas été suffisantes, les parens, même défians et hostiles, sont contraints aujourd’hui à livrer leurs enfans à l’école qui leur répugne. — Afin de préciser, imaginez une gazette officielle et quotidienne, intitulée Journal laïque, obligatoire et gratuit pour les enfans de six à treize ans fondée et défrayée par l’État, moyennant 582 millions d’installation première et 131 millions de frais annuels, le tout puisé, bon gré mal gré, dans la bourse des contribuables ; posez que les 6 millions d’enfans, filles et garçons, de six à treize ans, sont abonnés d’office à ce journal, que, sauf le dimanche, ils le reçoivent tous les jours, que, chaque jour, ils sont tenus de lire le numéro pendant six heures. Par tolérance, l’État permet aux parens qui ne goûtent pas sa feuille officielle d’en recevoir une autre à leur goût ; mais, pour qu’il y en ait une autre à portée, il faut que des bienfaiteurs locaux, associés entre eux et taxés par eux-mêmes, veuillent bien la fonder et la défrayer ; sinon, le père de famille est contraint de faire lire à ses enfans le journal laïque qu’il juge mal composé, gâté par des superfétations et des lacunes, bref, rédigé dans un mauvais esprit. C’est ainsi que l’État jacobin respecte la liberté de l’individu.

En revanche, par cette opération, il s’est lui-même étendu et fortifié ; il a multiplié les institutions qu’il régit et les personnes qu’il manie. Pour diriger, inspecter, recruter et distribuer son enseignement primaire, il a maintenant 173 écoles normales d’instituteurs et d’institutrices, 736 écoles et cours d’enseignement primaire supérieur et professionnel, 66,784 écoles élémentaires, 3,597 écoles maternelles, environ 115,000 fonctionnaires, hommes et femmes[1]. Par ces 115,000 agens, représentans et porte-voix,

  1. Turlin, ibid., p. 61. (M. Turlin compte « 104,765 fonctionnaires, » auxquels il faut ajouter le personnel enseignant, administrant, auxiliaire des 173 écoles normales, et leurs 9,000 élèves, tous gratuits.)