Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/361

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exemple, l’enfant est naturellement porté à marcher, à sauter, à courir, à lancer les projectiles qui lui tombent sous la main, et on a imaginé de lui faire exécuter tous ces actes, mais en leur donnant un but qui les rendît intéressans. C’est ainsi que la course est devenue la base de tous les jeux de « poursuite » tels que les barres, La tendance à lancer des projectiles a fait naître les jeux de paume, de ballon, de mail, de cricket, etc.

L’autre méthode d’exercice, qui s’appelle la gymnastique, procède tout autrement. Elle est plus savante et plus systématique que le jeu : elle n’a plus pour point de départ l’observation des tendances instinctives de l’être humain, mais bien l’étude de la conformation de son corps. Cette méthode ne dit pas : l’enfant est porté à marcher, à sauter, à courir, à lancer des projectiles, donnons-lui l’occasion d’exécuter tous ces actes. Elle dit : le corps est divisé en un tel nombre d’articulations, et contient un tel nombre de muscles, faisons mouvoir à tour de rôle chacune de ces articulations, mettons successivement en jeu chacun de ces muscles, afin que toutes les parties constituantes de la machine humaine reçoivent leur quote-part d’exercice. La gymnastique proprement dite, se fondant sur la connaissance anatomique du corps humain, a imaginé des procédés plus ou moins ingénieux pour exercer méthodiquement les groupes musculaires de chaque région. Elle a des exercices pour les bras, pour les jambes, pour le tronc, la tête, le bassin ; elle en a pour les muscles fléchisseurs, pour les muscles extenseurs, etc. Il existe plusieurs systèmes de gymnastique. Nous avons présenté ici même[1] l’exposé du système suédois qui a pour caractéristique la simplicité des mouvemens et la modération des efforts. Notre système français est conçu dans un tout autre esprit. Ce système se propose de porter au plus haut point de développement et de perfection les aptitudes physiques de l’homme. Dans ce dessein il cherche des combinaisons plus ou moins ingénieuses pour obtenir que chaque mouvement représente une difficulté à vaincre : il imagine des artifices pour augmenter l’effort des muscles et invente des actes musculaires auxquels l’homme n’est pas naturellement porté.

La méthode naturelle et la méthode artificielle ont des tendances très distinctes et très caractéristiques. L’exemple le plus banal nous permettra de montrer clairement les divergences de leurs procédés. Mettez un homme en face d’une perche verticale et dites-lui de grimper jusqu’en haut. Livré à son instinct, l’homme va utiliser tous les moyens d’action que la nature met à sa

  1. Voir, dans la Revue du 15 avril 1891, la Gymnastique à Stockholm.