des méthodes « athlétiques » et non pas des méthodes « hygiéniques. » Elles visent spécialement les sujets forts pour en faire des sujets d’élite, alors qu’une bonne hygiène doit viser les sujets faibles pour en faire des sujets forts. Les faibles, ne l’oublions pas, forment la grande majorité des enfans de notre génération actuelle. Nos enfans, si précoces aujourd’hui dans leur développement intellectuel, sont très en retard dans leur développement corporel. Il leur faut des méthodes d’éducation adaptées à leurs faibles aptitudes physiques. Et c’est le défaut capital des méthodes artificielles et difficiles : ces méthodes ne mettent pas l’exercice à la portée de tous les enfans. Elles sont, à proprement parler, des méthodes de « sélection ; » elles font subir aux enfans une sorte de triage, prenant les plus forts pour en faire des athlètes, mais laissant les plus faibles, c’est-à-dire la grande majorité, livrés à toutes les misères physiques et morales qui dérivent du défaut d’exercice.
Il va de soi que des exercices difficiles ne sauraient être récréatifs. Et c’est encore là un grand reproche à faire à notre gymnastique, si on prétend l’appliquer à des enfans soumis au travail scolaire, et qui, dans l’intervalle des études, auraient si grand besoin d’amusement et de distraction. Ce n’est pas un délassement que le cerveau de l’enfant peut trouver dans ces exercices méthodiques, mais une leçon de plus ajoutée à tant d’autres. Parmi les mouvemens de notre gymnastique, ceux qui ne sont pas assez difficiles pour décourager l’enfant par un long apprentissage sont tellement dépourvus d’intérêt qu’ils le rebutent par leur monotonie. Tels sont, par exemple, les exercices dits « du plancher : » — Quarante enfans rangés sur trois lignes attendent, le corps droit, l’œil fixe, le commandement du maître. Puis, tous ensemble, sur son ordre, tournent la tête d’abord à droite, ensuite à gauche. Ils comptent à voix haute : une, deux, trois… Tout en comptant, ils étendent les bras, puis les fléchissent, les élèvent, puis les abaissent ; ensuite c’est le tour des jambes ; enfin, celui du tronc et des reins. Tous ces mouvemens sont très hygiéniques ; mais où trouver place pour l’entrain et la joie dans cette froide discipline qui raidit les traits et efface le rire, dans ces gestes insipides dont la moindre distraction détruirait l’ensemble ? Et pourtant, pour l’écolier, le plaisir n’est pas seulement une satisfaction morale, c’est un élément hygiénique indispensable à sa santé. Sous l’influence de la contrainte et de l’ennui, les fonctions vitales languissent, la nutrition se ralentit, les centres nerveux s’engourdissent. Imposer à l’enfant des exercices où il ne trouve aucun plaisir, c’est plus qu’un manque de sollicitude, c’est une faute d’hygiène.