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trop surpris si l’on réfléchit que les réformes dont tout le monde reconnaît, au fond, la nécessité, mettent en conflit deux catégories d’intérêts qui se combattent et semblent même, au premier abord, s’exclure, ceux du corps et ceux de l’esprit. Ce conflit était à prévoir et ne pouvait guère être évité. Mais, en réalité, il n’y a, jusqu’à présent, rien à reprendre à ce qu’on a fait. Il fallait commencer par relever les exercices physiques de la décadence où ils étaient tombés. Il fallait convertir les enfans à l’exercice, et cette conversion méritait bien qu’on fît quelques frais. Il fallait aussi forcer en quelque sorte l’attention du public, et ce résultat a été obtenu, — n’en aurions-nous pour preuve que les critiques parfois injustes et passionnées soulevées par toutes ces tentatives de réforme, critiques cent fois préférables à l’indifférence absolue d’autrefois.

On a donc réussi, tout au moins, à créer « une agitation autour de la question. » L’impulsion est donnée. Il serait assez difficile de dire d’où est au juste parti le mouvement initial. La question était déjà « dans l’air » quand plusieurs ouvrages, parus presque en même temps, vinrent montrer les lacunes de notre système d’éducation physique et en faire ressortir l’insuffisance. A côté des livres qui prêchaient la bonne doctrine, se formèrent bientôt des associations pour la mettre en application. C’est ainsi que prirent naissance le Comité pour la propagation des exercices physiques, présidé par M. Jules Simon, avec M. Pierre de Coubertin pour secrétaire-général ; la Ligue de l’éducation physique, fondée par M. Paschal Grousset et présidée par deux membres de l’Académie des Sciences, MM. Marey et Berthelot. Puis vinrent des essais d’application pratique. Les tentatives les plus intéressantes, à ce point de vue, sont, sans contredit, celles qui furent faites dans le milieu enseignant, d’abord en dehors de l’Université, puis dans l’Université même. Les institutions libres ont procédé avec plus de hardiesse que l’Université, et l’on comprend que des tentatives d’innovation leur étaient plus faciles. Il est moins malaisé d’expérimenter une manœuvre nouvelle sur un bataillon isolé que sur tout un corps d’armée. Ce fut l’école Monge qui donna l’exemple et adopta les jeux à la mode anglaise. Cette réforme en impliquait une autre : il fallait modifier la distribution du temps consacré aux récréations. En effet, l’installation des jeux demande un espace relativement grand, et il fallait prendre le temps de transporter les élèves hors Paris, de les laisser s’installer sur un terrain favorable et organiser les parties. Le directeur de l’école, M. Godart, à qui la cause de l’éducation physique doit beaucoup, n’hésita pas à consacrer trois après-midi par semaine à l’organisation des jeux. De grands omnibus venaient prendre les élèves internes et ceux des externes qui demandaient