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corps enseignant. Rien ne prouve mieux l’intérêt que prend le grand public à cette réforme. Deux grandes associations dont nous avons déjà parlé : la Ligue de l’éducation physique et le Comité pour la propagation des exercices physiques, ont attiré à elles un grand nombre d’hommes haut placés dans l’Université, dans la science, dans l’administration, dans l’armée. Malgré leur nom différent et leur autonomie distincte, ces deux sociétés poursuivent avec une égale persévérance un but commun : aider les établissemens publics ou privés d’éducation à installer les jeux de plein air. Elles s’occupent de trouver des emplacemens pour les exercices, d’organiser, à certaines époques, des concours et des fêtes, et de distribuer des récompenses aux vainqueurs. Ces deux associations ont aussi pour objectif d’attirer à elles les sociétés de jeux formées à Paris ou en province, pour les grouper dans une sorte de fédération qui leur permette de se prêter un mutuel appui. C’est grâce au zèle des deux grandes associations dont nous parlons qu’ont pu avoir lieu périodiquement, à Paris, ces championnats interscolaires et ces fêtes pour lesquelles on a ressuscité le vieux nom de « lendit. » Mais la province, aussi bien que Paris, a ses concours de jeux où les lycées, groupés par région, se réunissent pour se disputer le prix de la course, du saut et des autres exercices de plein air. On a même organisé, sous le haut patronage et la présidence de M. Gréard, vice-recteur de l’Université, des « régates interscolaires, » concours annuels de rameurs auxquels sont conviés à prendre part les jeunes gens de tous les lycées et écoles de la province et de Paris.

Il est impossible d’imaginer une expérience plus concluante que celle à laquelle ont contribué ainsi toutes les écoles de France. Il en est ressorti une démonstration éclatante de la valeur des jeux de plein air comme méthode d’éducation physique. On a vu renaître partout le goût de l’exercice qu’on avait cru tout à fait éteint chez les écoliers, et sans lequel tous les efforts des maîtres seraient, on le comprend, condamnés à rester stériles. Tous ceux qui ont pris intérêt à ce curieux mouvement ont été frappés aussi de certains résultats d’ordre moral visés moins directement que les effets physiques et que l’organisation des jeux a produits. L’esprit d’initiative que nécessite l’organisation des grands jeux a eu pour corollaire le sentiment de la responsabilité chez les jeunes gens auxquels une assez grande liberté était laissée. Le sentiment de la solidarité a été mis en jeu par l’association des intérêts particuliers en vue de la lutte d’un groupe contre un autre groupe. Enfin l’esprit de discipline, si difficile à imposer aux jeunes gens, a spontanément pris naissance du fait de l’organisation des équipes