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rent une grosse pierre qui frappa contre l’ouvroir et fit un tel bruit que le boulanger se leva et sortit de son hôtel. Les clercs lui souhaitèrent « le maul soir. » Sur quoi le boulanger alla quérir un huissier d’armes du duc de Bourgogne, échevin de Dijon, Ogier Nauldin, qui mit sa robe et vint faire remontrance aux clercs de la chapelle. Ceux-ci lui répondirent que s’il « ne se aloit couchier, ils lui bouteroient le doigt en l’œil. » Ogier Nauldin, jugeant que les clercs étaient rebelles, rentra dans son hôtel et y prit un « bâton d’armes. » Puis il s’avança vers eux et demanda qui l’avait menacé. Ils lui crièrent qu’on allait lui faire « le droit du jeu, » lui ôter son « bâton » et le lui faire manger par la pointe. Comme deux des clercs l’attaquaient, l’huissier d’armes se débattit et essaya de les saisir; mais il ne put en approcher et ils s’enfuirent dans la nuit. Peu de jours après, Ogier Nauldin fut cité à comparaître devant le doyen de Mâcon, accusé d’avoir violé les privilèges des clercs de la Sainte-Chapelle. On a les élémens de sa défense dans le mémoire qu’il fit établir; mais, sans doute, le chapitre de la Sainte-Chapelle eut gain de cause. Toutefois, Ogier Nauldin prouva que les clercs du chœur étaient affiliés aux coquillards, et que, malgré l’exécution de 1455, la bande troublait encore la ville. « Item est vray que depuis environ quatre ans se sont mis sus une grant compaignie de gens estrangiers qui se nomment en leur jargon les Enfans de la Coquille, lesquels sont par ce royalme ou nombre de cinq cens ou plus, qui vont de bonne ville à aultre et commettent plusieurs larcins et sacrilèges, ainsi qu’il est assez notoire. Pour obvier aux malices desquels et à fin d’empescher leurs damnables entreprises, le Mayeur et ses eschevins ont establi et mis sus de faire guet chacun soir de nuyt parmi les quarrefours de la ville et par tout icelle assez tost après la dite heure de huit heures sonnées et meismement tantost qu’il est nuyt. » Ainsi, la compagnie de la Coquille existait encore en 1459. François Villon ne l’ignorait pas, car il entretint des relations avec les deux bons coquillards Régnier de Montigny et Colin de Cayeux jusqu’en 1460 au moins, et prit part avec eux à l’affaire de Montpipeau qui fit pendre Colin et emprisonner Villon à Meung-sur-Loire. Ce n’est qu’après le mois de juillet 1461 qu’il proposa ses amis en exemple aux enfans perdus. Peut-être qu’il eut alors quelque regret d’avoir si longtemps vécu dans la Coquille.

Ces informations criminelles donnent une idée assez juste du genre de vie que mena Villon depuis le mois de juin 1455 jusqu’au mois de janvier 1456. Cependant ses protecteurs, à Paris, s’occupaient de lui. Maître Guillaume de Villon et ses amis les procureurs du Châtelet, Ambroise de Loré, peut-être le prévôt