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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/423

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précision et en clarté à celle de Jouffroy. Par exemple, nous emploierons l’expression de faits de conscience, de préférence à celle d’états de conscience, que l’on a depuis quelques années empruntée aux Anglais. Nous ne voyons aucun avantage dans cette dénomination. Dans toutes les autres sciences, il est question de faits ; pourquoi la psychologie se bornerait-elle à l’expression vague d’états ? Cela a d’autant plus d’inconvéniens qu’il y a des cas en psychologie où le mot d’états est nécessaire pour caractériser certains faits de conscience, par rapport à d’autres ; par exemple, on dira que la plaisir et la douleur sont des états tandis que le désir et la crainte sont des mouvemens : les uns ont un caractère statique, les autres un caractère dynamique : réservez donc le mot d’état pour le cas où il signifie quelque chose, et ne l’employez pas inutilement là où il ne signifie rien. Nous écarterons également l’expression barbare de faits psychiques, quoique aujourd’hui presque universellement adoptée, mais qui est si désagréable à l’oreille. Nous préférons de beaucoup l’expression de faits psychologiques, comme on disait autrefois. Mais on y a renoncé par cette raison, dit-on, que les faits, étant antérieurs à la science puisqu’ils en sont l’objet, ne doivent pas être dénommés d’après le nom de la science qui s’en occupe, mais d’après le nom de l’objet auquel ils se rapportent. S’il en était ainsi, il faudrait changer toutes les habitudes de la langue, car partout les faits sont dénommés d’après la science et non pas d’après l’objet. Ainsi l’on dit : les faits astronomiques et non pas les faits astriques ; les faits géologiques et non pas les faits géiques ; les faits biologiques et non pas les faits biiques. De même on dit les faits économiques, et non pas les faits ploutiques ; les faits chronologiques ou historiques et non pas les faits chroniques. Il n’y a donc aucune raison de violer cette règle générale quand il s’agit de la psychologie.

La psychologie, considérée comme science des faits de conscience, est aussi ancienne que la philosophie elle-même. On trouve de la psychologie dans Démocrite et dans Empédocle, dans Platon et dans Aristote ; mais elle y est plus ou moins fondue avec les autres parties de la philosophie. Il en est de même, quoique déjà avec plus de liberté, dans Descartes, Malebranche et Spinoza. Avec Locke elle se sépare et devient une science indépendante. Condillac, Hume et Reid la maintiennent dans cette voie. Mais c’est surtout de nos jours que la psychologie a cherché à se constituer comme science en faisant valoir ses titres. Ce fut l’œuvre de Théodore Jouffroy dans sa préface aux Esquisses de D. Stewart. Ce morceau remarquable est l’origine de toutes